Index de l'article
La Ligne Maginot des intervalles
Fabrications spéciales, matériels de récupération et autres curiosités de la fortification de campagne plus ou moins renforcée
– 1935-1940 –
Reprise améliorée d'un article de Jean-Bernard Wahl paru en 1992 dans la revue Le Mur.
Décembre 1935. La Commission d'Organisation des Régions Fortifiées, la fameuse CORF, cesse son activité et disparaît [1]. Depuis 1927 elle a œuvré sans relâche à la conception et à la réalisation de l'un des plus grands systèmes fortifiés jamais construits, la Ligne Maginot.
Plus d'une centaine d'ouvrages fortifiés importants, plusieurs centaines de solides casemates d'infanterie, d'observatoires, d'abris, de casernements, etc. sont terminés ou en cours d'achèvement, tant dans le Nord-Est que sur le futur front des Alpes.
A l'issue de la période CORF, la fermeté de son autorité sur les Régions militaires afin d'imposer une fortification puissante "aux normes" ne s'exerçant plus, les partisans de la fortification de campagne vont pouvoir donner libre cours à leurs aspirations. La période qui va de 1935 au printemps de 1940 sera donc l'ére de la fortification de campagne en dur, dite aussi parfois fortification camelote par comparaison avec la puissante fortification CORF.
Chaque Région militaire va alors prendre à son compte la poursuite des travaux de défense des frontières en couvrant les intervalles des ouvrages CORF et surtout les secteurs non fortifiés par la CORF par une multitude de petites constructions, les "petits bétons" de la Ligne Maginot, la plupart étant sans commune mesure avec les normes CORF.
Du nord au sud, ce sont principalement les secteurs du Nord de la mer à l'Escaut, le segment Sambre-Ardennes, la trouée de Marville, celle de la Sarre, le sud de l'Alsace, ainsi que les positions de 2e ligne du Nord, des Ardennes, de la Meuse et de la Sarre qui vont être garnis de ces constructions. En réalité on les trouve partout sur l'ensemble du front fortifié le long des frontières, de la mer du Nord au Jura.
De cette deuxième vague de fortifications, il reste aujourd'hui encore des milliers de blockhaus, d'observatoires, d'abris, de PC, etc. dont l'inventaire est encore à faire… Toutefois, d'année en année, avec l'urbanisation et l'industrialisation galopantes du territoire, cette fortification disparaît inexorablement peu à peu.
Si sa valeur militaire à l'époque a été plus que discutable, l'étude typologique de cette multitude de blocs présente aujourd'hui un attrait particulier lié à l'infinie variété des plans de construction et surtout des solutions adoptées pour les divers éléments métalliques dont, par exemple, les blindages.
Jusqu'à la fin du 20e siècle, bon nombre de ces constructions ont en effet conservé leurs équipements métalliques fixes dont l'origine est également des plus variées. Beaucoup remontent à la guerre de 1914-1918 et parfois même avant. D'autres ont été spécialement étudiés et fabriqués durant les années 1935-1940 à l'intention de la fortification de campagne. Enfin le système D et la récupération ont souvent pallié l'absence de toute autre solution.
L'incroyable diversité de ces équipements, aujourd'hui plus curieux les uns que les autres, véritable musée in situ, a inspiré le présent article. Nous classerons ces matériels en quatre catégories :
¨ trémies et blindages
¨ cloches et guérites observatoires
¨ tourelles
¨ installations et curiosités diverses.
Trémies et blindages
Trémie Condé : installée sur de nombreux blockhaus dans le Nord et surtout en Région fortifiée de Metz, la trémie Condé est une embrasure en acier moulé d'une pièce prévue pour la mitrailleuse Hotchkiss de 8 mm Mle 1914 (passage à niveau d'Anzeling, Moselle). Sa désignation lui vient du nom du général commandant la 3e Armée qui couvrait la RFM en 1939-1940.
Trémie Condé : le côté intérieur, dans la chambre de tir du blockhaus, de cette trémie permet d'en voir les deux demi-volets blindés et leurs poignées de manœuvre. Deux glissières en forme de machoires retiennent les deux volets, celle du bas étant en outre munies de rouleaux facilitant le déplacement des volets (passage à niveau d'Anzeling, Moselle).
Blindage à volets multiples : cette embrasure d'un blockhaus antichar prévu pour un canon de 47 de marine a été dotée, à défaut d'une trémie spécifique, d'une protection de plusieurs volets blindés coulissant entre deux glissières. Il s'agit vraisemblablement d'une fabrication locale (est de Keffenach, Secteur fortifié de Haguenau, Bas-Rhin).
Blindage à volets multiples : côté intérieur du même blockhaus, le système apparaît plutôt rudimentaire et ne pouvait que protéger des éclats et non d'un coup au but. Un pis-aller quand on sait que de nombreux créneaux canon des blockhaus de complément sont restés dépourvus de tout blindage en 1940…
Bouclier suspendu : dans un certain nombre de blockhaus et casemates STG de 1935 à 1940 où un canon de 25 a remplacé le 47 prévu, et où aucune trémie blindée n'était livrée, l'Inspection du génie adopta comme palliatif un type de bouclier suspendu. Le système est constitué d'une plaque blindée épaisse de 80 mm coulissant sur deux rails et percée de deux ouvertures, l'une pour le tube du canon, l'autre pour la lunette de visée. Les poutrelles sous le plafond permettaient l'installation et la mise en batterie du canon. De rares exemplaires subsistent de nos jours (Francaltroff, Moselle).
Trémie Pamart-Lemaigre : très répandue, en particulier sur les blockhaus antichars type 1ère Région (Nord) mais aussi dans les R.F. de Metz (de Longuyon à St-Avold) et de la Lauter (de la Sarre au Rhin), cette trémie P.L. est une lourde plaque blindée d'embrasure moulée d'une pièce, de 1,60 m de largeur, 0,70 m de hauteur et épaisse de 8 à 20 cm. Elle est percée de quatre ouvertures équipées de volets coulissants ou à charnière : une embrasure pour canon de 25 ou mitrailleuse, un créneau pour la visée par la lunette de tir du canon, deux petits créneaux ronds pour l'observation ou le tir au FM. De part et d'autre on remarque les deux "bosses" correspondant aux évidements intérieurs prévus pour les roues du canons de 25 (Hunspach, S.F. de Haguenau, Bas-Rhin).
Trémie Pamart-Lemaigre : sur cet exemplaire, les "bosses" des roues du canon ont été noyées dans le béton. Les trois orifices supérieurs sont ici bien obturés (Mont-Noir, Nord).
Trémie Pamart-Lemaigre : sur cette photo intérieure, on voit la banquette de tir destinée à supporter soit un canon de 25, soit une mitrailleuse Hotchkiss. La goulotte centrale sert à l'évacuation des étuis (douilles) vers l'extérieur (Hunspach, S.F. de Haguenau, Bas-Rhin).
Trémie Pamart-Lemaigre : gros plan sur la même trémie P.L., dont le nom est dû à ses concepteurs, M. Pamart (qui a déjà conçu divers cuirassements en 1914-1918) et le Cdt Lemaigre (également spécialiste en cuirassements). On voit bien ici les quatre ouvertures de la trémie, ainsi que les évidements pour les roues du canon. Les volets des deux créneaux rectangulaires ont disparu.
Trémie A2R : conçu initialement pour les casemates de mitrailleuses CORF, cet engin a finalement été adopté pour les blocs STG mais, commandé et mis en fabrication tardivement, seuls quelques rares exemplaires ont pu être installés. On en voit ici d'une part, dans l'embrasure, le carter blindé du tube, d'autre part le montage d'arme intérieur (blockhaus STG, Nord).
Casemate Pamart : conçu et mis au point en 1916 par le capitaine Pamart dans le cadre des travaux de renforcement des forts de Verdun, ce type de cuirassement à deux embrasures pour mitrailleuse a été ré-employé dans les intervalles de la Ligne Maginot. Douze exemplaires non installés auparavant ont en effet été récupérés dans les dépôts du génie et implantés tant dans le Nord-Est que dans le Sud-Est. C'est ainsi qu'on en retrouve dans le Secteur fortifié de la Crusnes (deux exemplaires à Longuyon et Aumetz), le S.F. de Boulay (un exemplaire à Coume), le S.F. de Faulquemont (quatre exemplaires à Téting) et le S.F. d'Altkirch (deux exemplaires à Knoeringue et à La Verrerie). Dans le Sud-Est, l'ouvrage de Plate-Lombarde, près de Barcelonnette, en possède deux, et la vallée de la Tinée à Valabres, une. Sur cette photo, la casemate Pamart du plateau de Coume (Moselle).
Casemate Pamart : l'une des casemates Pamart de Téting, près de St-Avold. Le cuirassement est scellé sur un petit blockhaus possédant une entrée arrière en puits et un petit local de repos souterrain.
Casemate Pamart : tout au sud de l'Alsace, l'un des derniers blockhaus de la Ligne Maginot du Nord-Est possède une coupole Pamart, incrustée dans sa façade frontale (La Verrerie, S.F. d'Altkirch). A quelques kilomètres de là, c'est une casemate STG allégée qui possède le 2e exemplaire du secteur (Knoeringue).
Casemate Pamart : le petit ouvrage de Plate-Lombarde possède pour seuls blocs actifs deux casemates Pamart dont les créneaux ont été modifiés en créneaux GFM type A pour FM. Au second plan, une cloche observatoire en éléments petit modèle, spéciale aux ouvrages alpins. Lavé par les intempéries, le béton apparaît aujourd'hui d'une blancheur éclatante. Compte tenu des impératifs de camouflage, il ne devait pas en être ainsi en 1940 ! (S.F. du Dauphiné).
Casemate Pamart : presque invisible sous son excellent camouflage, la casemate Pamart des gorges de Valabres, dans la vallée de la Tinée (Secteur fortifié des Alpes Maritimes). Ici aussi les créneaux ont été modifiés en type GFM "A" pour un FM chacun.
Bouclier de tranchée : les intervalles du Nord-Est sont encore aujourd'hui sillonnés de tranchées réalisées par les soldats en 1939-1940. En certains points, des postes de guet bétonnés sont équipés de petits boucliers de tranchée qui remontent à la 1ère Guerre mondiale. L'image même de la guerre de positions ! (Secteur fortifié de la Sarre).
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CORF : Commission d'Organisation des Régions Fortifiées.
STG : Section technique du génie.
GFM : guet et fusil-mitrailleur.
FM : fusil-mitrailleur.
R.F. : région fortifiée.
S.F. : secteur fortifié.
[1] toutefois ses services poursuivront leur travail au cours des années suivantes, d'une part afin d'achever les chantiers encore en travaux, de l'autre pour réaliser les derniers programmes lancés, en particulier ceux dits des "nouveaux fronts" dans le Nord et sur le plateau de Rohrbach (Moselle).
Cloches et guérites observatoires
Guérite observatoire : la Section technique du génie (STG) a été à l'origine de la conception et de la fabrication, entre 1935 et 1939, de plusieurs modèles de guérites et de cloches de guet ou d'observation destinées à la fortification des intervalles. Pour en faciliter le transport et le montage, surtout en montagne, ces engins ont été conçus en éléments empilés et superposables, de diamètre décroissant de bas en haut. Ils sont coiffés par une calotte tenue par trois tirants ou boulons, l'élément supérieur étant percé de trois fentes d'observation. Ce modèle de guérite équipe ici un petit blockhaus à fonction d'abri-PC situé sur la berge du Rhin au nord de Strasbourg. Le blockhaus est aujourd'hui remblayé mais la cloche reste visible.
Cloche observatoire St-Jacques : dans les Alpes, la cloche observatoire en éléments dite "Saint-Jacques" existe sur la quasi-totalité des petits ouvrages d'avant-postes du Secteur fortifié des Alpes Maritimes. Sur ces deux photos celle de l'avant-poste de Castès-Ruines, près de Sospel, émerge à peine de la rocaille qui environne l'ouvrage. Avec un minimum de camouflage elle est totalement indécelable dans le paysage.
Cloche observatoire St-Jacques : on voit ici l'ensemble de l'engin, un exemplaire non installé, avec ses six éléments superposés. Les quatre éléments du bas sont normalement logés dans le béton.
Cloche observatoire St-Jacques : la cloche St-Jacques de l'avant-poste du Planet, dans la haute vallée de la Vésubie (S.F. des Alpes Maritimes).
Cloche observatoire St-Jacques : la cloche de guet et d'observation de l'avant-poste d'Isola, dans la vallée de la Tinée (S.F. des Alpes Maritimes), qu'une coiffe de béton achève d'intégrer dans l'environnement rocailleux.
Cloche observatoire Digoin : exemple même de la récupération d'engins de la guerre précédente ou d'avant, la cloche dite "Digoin" (du nom du parc central des cuirassements, en Saône-et-Loire) est initialement la cloche réglementaire des forts Séré de Rivières, donc d'avant 1914. Matériel solide, blindé à 20 cm, il se retrouve en au moins cinq exemplaires, non installés jusqu'alors, sur la Ligne Maginot : un à Longuyon et Havange (S.F. de la Crusnes), un à Téting et Guesling-Hémering (S.F. de Faulquemont) et un dans les Alpes (ouvrage du Gondran Est, près de Briançon). Sur cette photo, la cloche Digoin des hauteurs de Longuyon (Meurthe-et-Moselle).
Cloche observatoire Digoin : la cloche de l'observatoire de Havange, près de Rochonvillers (S.F. de Thionville, Moselle).
Cloche observatoire Digoin : en parfait état, la cloche de l'observatoire des hauteurs de Guessling-Hémering (S.F. de Faulquemont, trouée de la Sarre). Ces engins sont généralement installés sur un solide blockhaus bétonné et peuvent être dévolus à l'infanterie ou à l'artillerie.
Cloche observatoire type Valenciennes : sur certains types de blockhaus de la 1ère région militaire (Nord) on trouve une cloche observatoire dite " type Valenciennes " (du nom de la chefferie locale qui en aurait passé commande) qui a un air de famille avec les cloches Séré de Rivières en plus petite. Blindée à 15 cm, elle existe en plus d'une quarantaine d'exemplaires dans les secteurs de Valenciennes et Maubeuge. Ici celle qui surmonte un blockhaus proche de Wargnies-le-Grand (S.F. de l'Escaut).
Cloche observatoire Héronfontaine : un seul exemplaire est connu de cette fabrication probablement sans lendemain d'une cloche observatoire à toiture aplatie. Vraisemblablement un prototype, elle aurait été installée vers 1890-1892 sur l'ouvrage d'Héronfontaine, au nord de Maubeuge, puis récupérée en 1934 lors de sa démolition. Destinée à l'ouvrage alpin du Gondran-Est (Briançon) mais refusée par le Service des Cuirassements qui en ignorait la composition du métal, elle atterrit finalement à l'observatoire du Tattenholz à Téting (Moselle) où elle est toujours. On remarque l'escalier d'accès à l'entrée du blockhaus-observatoire, dans une fosse à l'arrière de l'ouvrage, et au second plan le blockhaus de défense de l'observatoire.
Observatoire sous plaques blindées : dans le cadre des observatoires sous cuirassement, on ne peut manquer de citer les quelques rares exemplaires réalisés sans cloche ni guérite mais sous plaque blindée horizontale. C'est le cas de celui du "Haricot de Valette" ou Rebberg, une hauteur de la trouée de la Sarre au sud de Barst (Moselle). Totalement enterré sur une petite ligne de crête, cet ouvrage ne possède pour seules "émergences" que deux plaques blindées, boulonnées et percées d'une ouverture rectangulaire. De celle-ci dépasse, pour l'observation, une lunette binoculaire, l'observateur étant juché sur un strapontin au sommet d'un puits qui prend sa base dans les locaux de l'ouvrage. L'entrée se fait à contre-pente par un boyau souterrain réalisé à l'aide de buses en ciment. Trois autres observatoires, de types différents, existent encore sur la même butte. Un observatoire du même type, mais à une seule plaque blindée horizontale, peut aussi être vu au Birberg, au sud-ouest de Denting (S.F. de Boulay).
Guérite-observatoire : dans le sud de l'Alsace (S.F. d'Altkirch) on a ré-employé la guérite-observatoire de rempart d'avant 1914, initialement prévue pour équiper les postes de guet des forts Séré de Rivières. On en retrouve quatre exemplaires dans le SFA, en particulier sur le point d'appui des Trois-Maisons.
Guérite à calotte tournante : déjà largement utilisée en 1914-1918 – comme en témoigne cet exemplaire visible sur les anciennes lignes françaises du Vieil-Armand (ou Hartmannswillerkopf), dans les Vosges alsaciennes – la guérite de guet et d'observation OD 92-95 se retrouve fréquemment dans les intervalles de la Ligne Maginot.
Guérite à calotte tournante : gros plan sur une guérite carrée du même type OD 92 avec coupole tournante OD 95, malheureusement incomplète, sa calotte ayant disparu. Elle a subsisté pendant longtemps à la lisière du bois du Bambesch, près de St-Avold (Moselle, Secteur fortifié de Faulquemont).
Guérite prismatique : également survivante de la 1ère Guerre mondiale, la guérite prismatique OD 52 a garni nombre de tranchées en lisière de forêt. Celle-ci existe (-ait…?) dans le bois nord du Steinbesch, près de Bambiderstroff (Moselle, S.F. de Faulquemont).
Guérite cylindrique : employée aussi déjà en 1914-1918, la guérite cylindrique OD 85 possède un blindage de 15 à 25 mm et a maintes fois été réutilisée dans les intervalles de la Ligne Maginot. L'exemplaire sur cette photo existait en bordure du bois du Kerfent, à Zimming (Moselle, S.F. de Faulquemont), et a été récupéré en 1992 par mesure de sauvegarde par une association.
Guérite cylindrique : la guérite cylindrique OD 85 de la ferme de Brandstuden, près de Tritteling (Moselle, S.F. de Faulquemont), est incrustée dans un bloc de béton qui lui-même surmonte un petit blockhaus-abri.
Guérite double : la guérite double ou biplace OD 90 est prévue pour deux guetteurs ou observateurs disposant de strapontins, d'accoudoirs, de fentes de visée à volets articulés et d'une jumelle binoculaire. Elle est entièrement blindée jusqu'à sa base et peut servir à la fois à l'infanterie et à l'artillerie. Cet exemplaire a malheureusement perdu toiture, porte et panneau arrière blindés, mais ce qui permet d'en voir l'intérieur ! (Boucheporn, Moselle, S.F. de Faulquemont).
Guérite double : émergeant à peine du sol et de la végétation, donc bien peu détectable, la guérite double OD 90 constitue un excellent et spacieux observatoire. Cet exemplaire possède toujours sa toiture légèrement blindée et percée d'une ouverture pour l'optique binoculaire (Coume, Moselle, S.F. de Boulay).
Guérite double : cette importante et lourde guérite, un exemplaire rare situé sur les hauteurs de Dalstein (Moselle, S.F. de Boulay), était vraisemblablement dévolue à l'artillerie. C'est le plus gros équipement de ce type connu dans les intervalles.
Guérite pentagonale : les guérites de ce type, elles aussi rescapées de la guerre précédente, sont certainement parmi les plus répandues et se retrouvent sur tous les fronts, des Ardennes au Rhin et au sud de l'Alsace. Dans les environs de Vahl-Ebersing et Lixing-lès-St-Avold (Moselle, Trouée de la Sarre), un PC bien établi à contre-pente et enterré possède lui aussi une guérite pentagonale de guet. Le bloc cubique au second plan assurait la défense des deux entrées du PC.
Guérite pentagonale : le même type de guérite, en partie encastrée dans le béton d'un petit blockhaus situé sur les hauteurs de Rohrbach-lès-Bitche (Moselle, S.F. de Rohrbach).
Guérite pentagonale : Récupérée dans les années 1990 par l’association d’Uffheim, elle a malheureusement fini en morceaux, rongée par la rouille des cornières intérieures. Une 2e guérite pentagonale a heureusement été découverte par la suite sur la berge du Rhin et a pu être préservée.
Casemate TSF : un certain nombre de postes d'observation ont été réalisés à l'aide de la casemate TSF (radio) de chars FT 17 Renault réformés. Cet exemplaire, placé sur les hauteurs d'Escherange (Moselle, S.F. de Thionville), possède toujours son tourelleau et son volet frontal à ressort. A remarquer la tendance du métal des plaques blindées à éclater sous l'effet de la rouille à l'intérieur, avec pour conséquence à terme la destruction complète de l'engin.
Casemate TSF : l'exemplaire proche de Bockange (Moselle, S.F. de Boulay) a déjà perdu tous ses éléments amovibles. Il a cependant été sauvegardé et peut être vu sur le site de la casemate Esch à Hatten (Bas-Rhin, S.F. de Haguenau).
Casemate TSF : l'observatoire FT 17 radio des hauteurs de Crusnes (M-&-M).
Casemate TSF : l'exemplaire des hauteurs d'Ising (S.F. de Boulay, Moselle) a conservé jusqu'à la fin des années 1980 tourelleau et volet blindé frontal. Il est presque entièrement noyé dans le béton d'un petit blockhaus auquel on accède à l'arrière par une tranchée bétonnée.
Casemate TSF : l'observatoire des bois de Mattstall (Bas-Rhin, S.F. des Vosges) a perdu quelques éléments mais, curieusement, il possède toujours son tourelleau.
Guérite allemande : dans le nord du Bas-Rhin un certain nombre de guérites allemande dites en escargot et récupérées sur la ceinture des forts ex-allemands de Strasbourg ont été réinstallées face au Rhin. Elles ont toutes disparu aujourd'hui à ces emplacements mais on en retrouve en place, par exemple dans les forts de Metz et Thionville.
Cloche de guet :l'origine de cette petite cloche de guet, restée longtemps installée à l'entrée du stand de tir Desaix à Strasbourg, près du pont sur le Rhin entre la ville et Kehl, est incertaine. Il est possible qu'elle provenait d'une récupération de matériel sur l'un des forts ex-allemands entourant la ville.
Guérite en béton :une curiosité sous la forme de cette guérite en béton de guet et de défense subsiste dans le bois de Durrenentzen, à l'ouest de Kunheim (front du Rhin) ou existait avant et au début de la guerre un dépôt de munitions.
Tourelles
A côté des cloches et des guérites de guet et d'observation qui sont des organes passifs, les intervalles ont été garnis d'organes blindés actifs, c'est-à-dire capables d'une action défensive par les armes : les tourelles. Deux types de tourelles émergent majoritairement dans cette catégorie : les tourelles de char réformés et les tourelles de mitrailleuses en éléments dites aussi tourelles démontables.
Conséquence de la redoutable efficacité en 1914-1918 contre un assaut d'infanterie de simples nids de mitrailleuse bien embusqués, les états-majors ont mis à l'étude vers 1930 un engin mobile, facilement transportable, destiné à abriter une mitrailleuse sous une protection blindée et doté de divers perfectionnements.
Inspirées de la tourelle mobile allemande Gruson-Schumann pour un canon de 53 mm Krupp réalisée dès 1889 et destinée à équiper les parapets des "Festen" [1], ces études aboutissent à la fabrication en série de la tourelle démontable modèles 1935 et 1937. Plus de 600 exemplaires au total des deux modèles ont été construits et installés sur l'ensemble des fronts, de la mer du Nord à la Méditerranée, y compris ceux du Rhin et du Jura. Quelques tourelles ont combattu et subi l'épreuve du feu, en particulier dans le Nord, les Ardennes et surtout au cours des combats des 14-15 juin 1940 dans la trouée de la Sarre.
La grande majorité d'entre elles a ensuite disparu durant l'occupation allemande en raison des grands besoin en métal du Reich. Sur le front des Alpes, les Italiens [2] ne semblent pas avoir eu les mêmes préoccupations puisque la plupart de ces tourelles étaient encore en place longtemps après la fin de la guerre. Aujourd'hui, quelques exemplaires plus ou moins dépouillés, demeurent en place, en particulier dans le Nord, le Jura, en Tarentaise, Maurienne, Ubaye et dans les Alpes Maritimes. Des musées Maginot en préservent heureusement aussi quelques exemplaires : Fermont, Hackenberg, Rohrbach, Simserhof, Hatten (Esch) et Uffheim.
Parallèlement à la tourelle Mle 35/37 les intervalles ont également été truffés par de petites tourelles de récupération sur des chars Renault FT 17 réformés. Il s'agit de tourelles pour une mitrailleuse, le créneau étant adapté à la 7,5 mm MAC Mle 1931 dite Reibel en remplacement de la Hotchkiss de 8 mm Mle 1914 à l'origine. Ces tourelles sont généralement installées sur un petit blockhaus bétonné, la carcasse du char servant de coffrage et d'abri, le compartiment moteur ayant été vidé auparavant. Jusqu'aux alentours de 1985 la plupart des tourelles existaient encore, plus ou moins complètes. Quelques-unes ont été récupérées par les associations Maginot.
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Tourelle FT 17 : jusque vers 1990 le char enterré FT 17 de Vahl-Ebersing (Moselle, S.F. de la Sarre) et sa tourelle étaient l'un des emplacements de ce type les plus intéressants. Au 1er plan, le puits d'accès à l'abri bétonné et au char, puis la tourelle de mitrailleuse et, au fond, la fosse de réception des douilles. La tourelle n'existe plus aujourd'hui à cet emplacement.
Tourelle FT 17 : l'intérieur du char FT 17 de Vahl-Ebersing, vu depuis le compartiment moteur. En haut, la tourelle et ce qu'il reste de l'affût de la MAC 1931 et le support de la lunette de visée. En bas, le tube d'évacuation des douilles. Tous les équipements superflus du char d'origine ont évidemment été déposés avant l'installation du char.
Tourelle FT 17 : dans un verger proche de Puttelange-aux-Lacs (Moselle, S.F. de la Sarre) a survécu pendant longtemps une tourelle FT 17, bien qu'ayant déjà perdu portières, tourelleau et support d'arme.
Tourelle FT 17 : la tourelle proche de Rémering (Moselle, S.F. de la Sarre), dans la zone des inondations préparées. On peut remarquer que le compartiment moteur du char n'a pas été recouvert de béton.
Tourelle FT 17 : de nombreuses tourelles gisaient ainsi dans la nature jusqu'aux années 1990 avant récupération ou… disparition définitive. Celle de Biding (Moselle, S.F. de la Sarre) dont on voit le blockhaus attenant a heureusement pu être sauvegardée. Sur le gros plan de la tourelle on voit bien le support d'arme et le petit masque blindé de la lunette de visée.
Tourelle FT 17 : vue d'ensemble du blockhaus-abri attenant au char FT 17 enterré et bétonné de Hoste-Cappel (Moselle, S.F. de la Sarre) et vue rapprochée de sa tourelle.
Tourelle FT 17 : autre tourelle, proche de Cappel et Valette (Moselle, S.F. de la Sarre) ayant déjà perdu quelques éléments et longtemps restée ainsi à l'abandon avant d'être récupérée par quelque association.
Tourelle FT 17 : exemplaire restauré par l'AALMA [3] et visible sur le site de la casemate Esch à Hatten (Bas-Rhin).
Tourelle démontable 35/37 : restée pendant longtemps l'une des mieux préservées, la tourelle n° 368 (fabrication Firminy) proche du Grand-Taureau et de la frontière suisse, dans la région de Pontarlier (Doubs, S.F. du Jura), a disparu un beau jour sans laisser de trace… Qui pourra nous en dire plus ? On remarque sur la 2e photo l'entrée du blockhaus logeant la tourelle et portant la date 1939.
Tourelle démontable 35/37 : la tourelle n° 380 (Firminy) de Remoray-Bougeons (Doubs, S.F. du Jura) a été préservée de justesse et récupérée en 1992 par l'association Mémorial Maginot de Haute-Alsace d'Uffheim où, remise en situation sur un blockhaus reconstitué, elle est visible aujourd'hui. On la voit ici à son emplacement d'origine, non loin de la frontière suisse par où l'irruption de l'ennemi n'était pas exclue…
Tourelle démontable 35/37 : la tourelle n° 374 (Firminy) de Granges-Boutiaux, non loin des Verrières-de-Joux, sur la frontière franco-suisse (S.F. du Jura). Préservée par son propriétaire et assez complète, cette tourelle existe toujours telle quelle.
Tourelle démontable 35/37 : parfaitement restaurée et remise en situation sur le site du P.O. de Rohrbach (Moselle, S.F. de Rohrbach), la tourelle récupérée à Cappel (S.F. de la Sarre).
Tourelle démontable 35/37 : en 1940 dans le Secteur fortifié de Haguenau, aux alentours de Hatten, un lieutenant du 23e RIF pose derrière une tourelle fraîchement installée. On peut remarquer les toiles de camouflage enlevées temporairement pour les besoins de la photo. Celle-ci est d'ailleurs tout à fait exceptionnelle, les photographies de sites militaires étant alors strictement interdites.
Tourelle démontable 35/37 : quelque part dans les Ardennes en 1940, une tourelle est pointée vers la vallée de la Meuse, probablement près de Monthermé (photo extraite du Denkschrift). A noter, la présence du petit périscope de guet.
Tourelle démontable 35/37 : octobre 1940, quelques troupiers de la Wehrmacht examinent une tourelle aux alentours de Hunspach (S.F. de Haguenau, Bas-Rhin nord).
Tourelle démontable 35/37 : dans les Alpes, une tourelle (n° 607) surplombe le vallon des Sagnes proche de la frontière italienne, dans le Secteur fortifié du Dauphiné.
Tourelle démontable 35/37 : face à la Tour des Sagnes (2364 m), la tourelle sud du vallon des Sagnes (n° 606) sur son emplacement bétonné.
Tourelle démontable 35/37 : gros plan sur la tourelle n° 606 du vallon des Sagnes. Elle a perdu le carter blindé de l'arme mais possède toujours le capot d'accès supérieur.
Tourelle démontable 35/37 : les deux tourelles de Cysoing, n° 358 et 363, dans le Secteur fortifié de Lille, sur leurs emplacements bétonnés.
Tourelle démontable 35/37 : deux vues de la tourelle n° 597 du Châtelard, sur les hauteurs de Bourg-St-Maurice (Secteur fortifié de Savoie), ou de ce qu'il en reste…
Tourelle démontable 35/37 : vue d'une tourelle munie de son grillage de camouflage (photo extraite du Denkschrift).
Tourelle démontable 35/37 : fait exceptionnel, la tourelle n° 564 du Châtelet, à St-Paul-sur-Ubaye (Secteur fortifié du Dauphiné), a conservé pendant longtemps son grillage de camouflage garni de fragments de ciment.
Tourelle démontable 35/37 : la deuxième tourelle (n° 565) du Châtelet, à St-Paul-sur-Ubaye (Secteur fortifié du Dauphiné) contrôle tout le vallon de l'Ubaye en direction de la frontière. Une petite galerie bétonnée permet un accès protégé à la tourelle.
Tourelle démontable 35/37 : quelque part dans la région de Rocroi (Secteur défensif des Ardennes) en 1940, une tourelle avec son dispositif de camouflage recouvert d'herbe semble-t-il et… bien peu efficace (photo extraite du Denkschrift).
Tourelle démontable 35/37 : la tourelle n° 504 de Vieux-Condé (au nord de Valenciennes, Secteur fortifié de l'Escaut) dans laquelle, le 20 mai 1940, le soldat Jules Beaulieu du I/54e RIF a héroïquement résisté avec sa mitrailleuse contre les tentatives des Allemands pour franchir les ponts sur l'Escaut, avant d'être tué à son poste. On voit parfaitement les quatre impacts de 47 mm antichar qui ont mis fin à l'action de ce héros. La tourelle est restée un mémorial jusqu'à nos jours.
Tourelle démontable 35/37 : vue d'ensemble d'une tourelle restaurée par l'AALMA et visible aujourd'hui en situation sur le site de la casemate Esch à Hatten (Bas-Rhin nord). On en voit parfaitement, de bas en haut, le cuvelage et la couronne en tôle d'acier qui sont normalement logés dans le sol ou dans le béton, et les quatre éléments supérieurs blindés et camouflés.
Tourelle et guérites : côte à côte, après avoir été restaurées par les soins de l'AALMA, une casemate TSF de char FT 17, une guérite OD 92 et sa calotte OD 95, et une tourelle par éléments Mle 1935, tous visibles aujourd'hui à Hatten.
[1] des exemplaires sont visibles en Suisse aux musées militaires de St-Maurice (Valais) et du fort d'Airolo (Tessin). Festen = importants groupes fortifiés réalisés par les Allemands à la fin du 19e siècle et au début du 20e, en particulier à Mutzig et autour de Metz et Thionville.
[2] qui occupaient le Sud-Est de la France jusqu'en 1942.
[3] Association des Amis de la Ligne Maginot d'Alsace, 67250 Hunspach.
Installations et curiosités diverses
Obstacles antichars
Barrières antichars : les obstacles antichars ont survécu, en petit nombre, jusqu'aux années 1980. Ils ont ensuite disparu l'un après l'autre, du moins de leur emplacement initial. Quelques rares exemplaires ont en effet pu être sauvegardés par les associations Maginot (Hackenberg, Simserhof, Schoenenbourg). La barrière visible sur cette photo, installée en barrage routier près de la casemate de Glasbronn, dans les Vosges du nord, a été déverrouillée à l'explosif par les Allemands en 1940. Elle est aujourd'hui au Schoenenbourg.
Barrières antichars : la barrière AC d'Ottonville (S.F. de Boulay, Moselle), l'une des mieux conservées jusqu'en 1980, a été récupérée ensuite par l'équipe du Simserhof (Bitche).
Wagon antichar : l'un des barrages routiers les plus étonnants est le fameux wagon antichar de Barst (S.F. de la Sarre, Moselle), un bricolage génial et unique en son genre. Bloc de béton d'une quarantaine de tonnes, coulé sur deux bogies à voie métrique et planté de rails, grâce à une faible déclivité il verrouillait une petite route de campagne à la moindre alerte. Le wagon-barrière était remis en position ouverte à l'aide d'un treuil. Les rails plantés obliquement sur le côté arrière du bloc de béton devaient en éviter le déversement en cas de choc frontal. Le site est aujourd'hui soigneusement aménagé et dédié à la fortification de campagne.
Barrage sur le Moderbach : la trouée de la Sarre, en Moselle, était organisée, on le sait, en zone inondable. En cas de menace ennemie, une succession de barrages devaient inonder trois vallées et constituer ainsi une suite d'obstacles à la fois pour l'infanterie et les chars. Quelques-uns de ces barrages existent toujours comme celui-ci dans la vallée du Moderbach. On en voit le portique de mise en place des poutres entre les piles bétonnées. Plusieurs blockhaus assuraient en outre la défense de la digue et de ses installations.
Affûts et canons
Affût crinoline : découvert sous un dépotoir près de Zimming (S.F. de Faulquemont, Moselle), ce magnifique affût-crinoline pour canon de 47 – qui, miraculeusement, possède toujours sa boîte à pivot en bronze et sa plaque de constructeur d'origine – est ici en cours de démontage en vue d'être sauvegardé par l'équipe d'Uffheim. Restauré, il est aujourd'hui visible dans la casemate de l'Aschenbach (Haut-Rhin) avec son canon de 47.
Affût crinoline : des affûts-crinoline en plus ou moins bon état ont subsisté pendant longtemps dans de nombreux blockhaus et casemates, comme ici dans l'abri-PC actif des Trois-Maisons (S.F. d'Altkirch, Haut-Rhin).
Canon de 47 de marine : jusqu'au début des années 1980, donc pendant plus de 30 années après la fin de la guerre, d'innombrables matériels demeuraient encore à l'abandon dans les intervalles de la Ligne Maginot. Ici, par exemple, dans les environs de Téting, sous les créneaux d'un blockhaus type RFM du Secteur fortifié de Faulquemont gît dans l'herbe le tube d'un canon de 47 de marine (photos G. et M. Mansuy).
Affût de 65 de marine : les arrières de la ligne des ouvrages ont été renforcés, entre autres dans les Secteurs fortifiés de Boulay et Faulquemont, par une soixantaine de canons de 65 de marine Mles 1888 et 1902 installés dans des cuves bétonnées à ciel ouvert et à usage antichar. Peu d'exemplaires en avaient été retrouvés. A Vahl-lès-Faulquemont demeure cependant une cuve avec son affût-colonne coulé d'une pièce.
Canons de 65 de marine : une incroyable découverte en… 1997, sous un dépotoir dans les environs de Boulay (Moselle) demeurait depuis 1940 sur son affût un canon de 65 de marine en excellent état ! (photo F. Lisch).
Quelques autres curiosités des intervalles…
Casemate d'instruction : chaque secteur fortifié disposait d'au moins un casernement de sûreté important situé à proximité de la ligne des ouvrages et casemates. Et dans chacun de ces casernements on trouvait une casemate d'instruction, en fait un stand de tir équipé de l'armement spécifique des ouvrages et casemates CORF. Sur cette photo de l'intérieur d'une casemate d'instruction (camp de Bockange, S.F. de Boulay) on reconnaît de gauche à droite un créneau pour canon de 37 mm Mle 1934, un créneau FM, un créneau pour 47 mm Mle 1934, ainsi que les birails qui supportaient les canons. A leur pied, les goulottes d'évacuation des étuis (douilles).
Maison-forte des Ardennes : dans les profondes forêts des Ardennes sont embusquées encore nombre de maisons-fortes, les sonnettes d'alarme de la position principale. Typiques avec leur blockhaus antichar (canon de 25 et armes automatiques) au rez-de-chaussée et leur étage de logement au-dessus, elles sont au nombre de 22 entre Monthermé et Carignan, de part et d'autre de Sedan, mais on en trouve aussi plus à l'est et jusque dans le nord de l'Alsace. Si quelques-unes sont en ruines ou limitées au seul béton du blockhaus, d'autres sont relativement bien conservées, voire même restaurées et habitées. On voit ici la MF 16 Beau Terme, au nord-est de Pouru-aux-Bois. Elle a servi de cadre au tournage en 1977 du fameux film de Michel Mitrani d'après Julien Gracq, " Un balcon en forêt ", qui relate la vie d'un petit détachement isolé en 1939-1940.
Voir un extrait sur le site officiel de l'I.N.A
"Synopsis du film : Adapté du roman de Julien Gracq, ce film raconte la vie quotidienne, au rythme des saisons, de quatre soldats français dans la forêt des Ardennes près de la frontière belge, durant la drôle de guerre de septembre 1939 à mai 1940. Il montre l'attente de ces hommes qui sont peut-être promis à la mort, la routine de la vie militaire, les relations entre eux et avec les villageois. Le lieutenant Grange est affecté au commandement d'une maison forte dans la forêt, près d'un hameau à la frontière belge. Il a pour mission d'observer les Allemands afin de renseigner ses supérieurs sur les mouvements de leurs troupes. Trois hommes partagent son sort : le caporal Olivon et les soldats Hervouët et Gourcuff. En attendant la guerre qui ne vient pas, ils passent le temps à quelques travaux, jouent aux cartes et se rendent parfois au village voisin. Un jour, Grange rencontre Mona, une jeune veuve, qui vit dans une ferme des environs et avec laquelle il vivra un temps l'illusion du bonheur."
Blockhaus d'avant-poste : dans le nord de la Moselle (et des S.F. de Thionville et de Boulay), les blockhaus d'avant-postes relèvent de types différents des maisons-fortes. Le blockhaus de défense est placé à l'avant d'un bâtiment de logement de la garnison du poste. On voit ici l'AP de Roussy-le-Village, au nord de Thionville, avec son petit blockhaus frontal et sa guérite du poste de garde.
Blockhaus d'avant-poste : ici, l'AP de Rodemack, au nord de Thionville, est d'un type simplifié, le casernement étant réduit à un prolongement en béton du blockhaus et constituant un simple local de repos.
Blockhaus d'avant-poste : une tour médiévale transformée en maison-forte ! A Wissembourg, dans le nord de l'Alsace (S.F. de Haguenau), les étages inférieurs de cette tour des anciens remparts ont été renforcés et percés de créneaux pour FM.
Blockhaus en rondins : à défaut de mieux, c'est-à-dire de béton et de fers, de nombreux blockhaus et abris étaient construits en rondins comme ici aux entrées du village de Hatten (S.F. de Haguenau). Un pis-aller de far-west qui aurait peut-être résisté à un assaut avec des flèches et des javelots…
Chambre de coupure téléphonique : discrètes, peu visibles et anonymes, les chambres de coupure téléphoniques se comptent encore de nos jours par centaines dans les intervalles et les arrières des positions fortifiées. Elles jalonnent un formidable réseau téléphonique enterré qui, théoriquement, reliait tous les ouvrages et casemates de la mer du Nord à la Suisse ! En réalité elles permettaient surtout à l'artillerie de campagne et aux troupes d'intervalles de s'interconnecter avec le réseau de la fortification. Elles existent en différents modèles, depuis le simple puits bétonné jusqu'à la chambre souterraine équipée d'un lit et logée dans un véritable petit blockhaus. L'accès peut être soit en puits muni d'une trappe, soit par une entrée latérale protégée par une porte blindée.
Blockhaus… à voie de 60 : le blockhaus antichar de Maxstadt (S.F. de la Sarre, Moselle) estune curiosité probablement unique sur l'ensemble de la Ligne Maginot. Il possède en effet dans sa chambre de tir des rails à voie de 60 ! Ceux-ci, disposés à angle droit et ayant en commun une plaque tournante, permettaient à un chariot supportant l'affût d'un canon de 47 M de se déplacer d'un créneau à l'autre et donc d'agir alternativement dans deux directions à 90°. On ignore comment le recul du canon était absorbé par le chariot… (Dessins et plan de G. et M. Mansuy).
Casemate STG avec charpente métallique : on s'interroge encore aujourd'hui sur le pourquoi de cet énorme échafaudage métallique coiffant une casemate CEZF de 2e ligne de la trouée de la Sarre, dans les environs de Francaltroff (Moselle), encore un cas unique sur la Ligne Maginot. On peut admettre qu'il s'agissait soit d'un camouflage destiné à donner à l'ouvrage l'apparence d'un hangar agricole (mais alors pourquoi seulement sur cette casemate ?), soit de l'échafaudage nécessaire à la construction de la casemate (alors que partout ailleurs ils étaient en bois !).
Avant-poste : les avant-postes alpins révèlent parfois des surprises. Ils sont souvent en très bon état de conservation – leur éloignement en montagne et la basse température quasi constante des lieux y sont pour quelque chose – et même encore équipés d'origine. Ce local par exemple possède toujours ses lits rabattables comme au lendemain de 1940…
Témoignages : plaques et insignes en béton
Insigne du 163e RA : les fresques murales, les emblèmes et autres insignes en béton constituent certainement les témoignages les plus émouvants laissés par les soldats des unités de forteresse. Cet insigne du 163e Régiment d'artillerie de position orne l'entrée d'un poste d'observation sur les hauteurs de Tritteling (S.F. de Faulquemont, Moselle).
Plaque du 2e Génie et du 39e RARF : l'entrée du même poste comporte aussi cette plaque d'identification des deux unités qui l'ont construit, apparemment deux ans avant l'installation du 163e RA. Une petite page d'histoire dans le béton… (RARF = régiment d'artillerie de région fortifiée).
Insigne "On ne passe pas" en clous : une petite curiosité "pas comme les autres" subsiste devant l'entrée du petit ouvrage Nord de Coume (S.F. de Boulay, Moselle), en l'occurrence l'insigne des troupes de forteresse réalisé à l'aide de clous de chaussure plantés dans le ciment !
Ecusson Régiment de la Nied : dans les environs de Bouzonville (Moselle), un avant-poste possède un écusson en ciment du 162e RIF, le Régiment de la Nied, auquel est adjointe à l'avant une petite borne portant les lettres tricolores RFM (Région fortifiée de Metz). On devine encore à droite la tête de bouledogue qui surveille la rivière Nied et le sapin à gauche. En haut à droite il manque hélas une casemate schématisée entourée d'un champ de rails. Pour comparaison, l'insigne réel du 162e RIF.
Plaque d'identification d'un avant-poste : également dans les environs de Bouzonville, un avant-poste possède une immense plaque en ciment comportant en relief l'insigne des troupes de forteresse et l'identification de l'unité de GRM (Gardes républicains mobiles) qui était affectée à ce poste : le 4e groupe de la 2e compagnie du 511e peloton mobile.
Bas-relief de La Costaude : bien connu, le magnifique bas-relief que possède la casemate d'artillerie de Barst, dans le Secteur fortifié de la Sarre, désigne les constructeurs de l'ouvrage et… clôture cette modeste série de documents et de témoignages.
En forme de conclusion
Concernant les nombreux petits matériels de la fortification de campagne – blindages, guérites et tourelles de tous types – on pourra s'étonner de cette invraisemblable panoplie déployée le long de nos frontières entre 1935 et 1940. Ce n'est certainement pas avec ces matériels, souvent désuets et de peu de valeur défensive, qu'on aurait pu arrêter l'ennemi ! Probablement. Tout au plus le retarder un moment comme cela a été le cas ça et là au cours de la campagne de France de mai-juin 1940.
Toutefois on ne peut oublier que de nombreuses armées, au cours du dernier conflit mondial, ont largement fait appel, parallèlement à la fortification traditionnelle, à la fortification de campagne plus ou moins renforcée. C'était le cas par exemple sur le Mur de l'Atlantique où les Allemands, à côté de leurs puissants ouvrages en béton – casemates d'artillerie et d'infanterie, abris en tous genres, postes de direction du tir, etc. – ont utilisé de nombreux matériels d'appoint. Sur les côtes de Norvège en particulier où la pénurie de matériaux de construction était dramatique, les Allemands ont réemployé de nombreuses tourelles de char Renault FT 17, mais aussi des tourelles de Panzer 38 tchèques, de Panzer I et II, des boucliers de tranchée et bien d'autres solutions de fortune.
Précisons pour finir qu'une partie des équipements passés en revue ci-dessus, en particulier guérites, cloches et tourelles, ont pour la plupart disparu aujourd'hui de leur emplacement initial. Beaucoup parmi eux ont fini leur carrière chez quelque ferrailleur peu regardant sur leur valeur historique. Fort heureusement toutefois, un certain nombre de ces équipements se retrouve dans les sites-musées de la Ligne Maginot tels que Fermont, Hackenberg, Rohrbach, Simserhof, Schoenenbourg, Hatten (casemate Esch) et Uffheim. Merci à ces associations pour avoir su les préserver.