Les casemates d'artillerie
de Vauban à la Ligne Maginot... et après
Si l'infanterie a pour mission d'assurer la conquête, l'occupation et la défense du terrain, l'artillerie est restée pendant longtemps la reine des batailles. Si aujourd'hui son action est conjuguée avec celle de l'aviation de bombardement et d'assaut et avec la précision des missiles, pendant longtemps elle seule pouvait emporter la décision. Plus d'un assaut ennemi d'infanterie a été cloué, voire écrasé sous le feu roulant de l'artillerie. En 1940, aucun secteur de la Ligne Maginot pourvu d'artillerie de forteresse n'a été forcé par l'ennemi #Les Allemands ont vainement tenté d'attaquer de front et à revers les Secteurs fortifiés de Haguenau, de Boulay, de Thionville et de la Crusnes bien pourvus en artillerie.. Lors de la construction de notre système fortifié de défense des frontières dans les années 1930, les hautes sphères militaires ont réalisé – un peu tardivement – qu'un secteur seulement constitué d'ouvrages d'infanterie était un maillon faible et avait absolument besoin d'un renforcement en artillerie. Il en a résulté l'implantation ça et là de casemates d'artillerie de complément à une ou deux pièces de 75 ou 155. A titre d'exemple, dans le Secteur défensif puis fortifié d'Altkirch #Dans le sud de l'Alsace, région du Sundgau. ont été réalisées sept casemates à deux pièces de 75 de ce type.
Technique et évolution
Pendant des siècles les canons étaient simplement installés à l'air libre sur les dessus des forts, sans réelle protection sinon celle de remblais de terre et de parapets. La faible portée et la précision toute relative de l'artillerie amie comme adverse dans ces temps n'en imposait pas plus. Deux révolutions techniques allaient sonner le glas de cette conception. Vers 1860, la crise dite de l'artillerie rayée voit s'accroître brusquement la portée et la précision des canons, ainsi que la puissance des projectiles. La réalisation d'une rayure hélicoïdale dans l'âme des canons, lisse auparavant, était à l'origine de cette "crise".
Nouveau coup de tonnerre dans un ciel presque serein d'une période de progrès technique croissant, éclate vers 1880-1885 la crise de l'obus-torpille. C'est un ensemble de perfectionnements techniques qui vont avoir des conséquences majeures sur la conception de la fortification. Tout d'abord apparaît l'obus à mitraille muni d'une fusée à double effet qui permet de faire éclater en l'air le projectile, à une hauteur réglable à l'avance, rendant désormais impossible le service des pièces de rempart à l'air libre.
En outre, en 1885 Turpin met au point en France un explosif à grande puissance, la mélinite, qui allait remplacer la poudre noire et donner aux obus une puissance de destruction beaucoup plus considérable. Finis les ouvrages en maçonnerie, place au béton.
La conséquence immédiate de ces innovations va être la mise sous abri des pièces d'artillerie des forts. Ainsi allait se généraliser le principe de la casemate d'artillerie et des tourelles blindées. En même temps, les forts, construits jusqu'alors en pierre de taille et en terre, vont se couvrir après 1888 d'une carapace de béton de ciment, d'abord non armé puis, après 1897, armé.
Historique
Le principe de l'abri casematé n'était cependant pas nouveau. Vers 1527 déjà, un certain Albrecht Dürer – le graveur bien connu – proposait un type de " casemates à canon en maçonnerie, surmontées de plates-formes sur lesquelles on peut aussi établir de l'artillerie à ciel ouvert. Les casemates sont percées de larges tuyaux d'aérage pour l'évacuation de la fumée et des gaz de la poudre ". L'illustre Vauban (1633-1707) construisit des tours à canon casematées mais pendant longtemps le terme de casemate était réservé aux seuls organes de flanquement des fossés qui entouraient et protégeaient les forts. Montalembert (1714-1800) s'inquiétait de la vulnérabilité de l'artillerie à découvert et prônait de l'abriter sous casemates. Dans les faits, pendant longtemps et en particulier au 19e siècle, tout local protégé, abri ou casernement, était désigné casemate.
Casemate Dürer, vers 1527.
Tour casematée Vauban, vers 1670-80.
Le général et ingénieur français François Benoît Haxo (1774-1838) conçut un type d'abri à canon spécifique qui portera son nom – casemate à la Haxo – et préfigurait les futures casemates d'artillerie. Il s'agissait d'une alvéole dans les parapets recouverte par une voûte en maçonnerie et une couche de terre. La pièce tirait frontalement par une grande embrasure et la casemate était ouverte à l'arrière pour l'introduction du canon et l'aération. En 1865 apparaît en Allemagne une casemate Schumann, du nom d'un capitaine de l'armée prussienne. Dérivant de la casemate Haxo, elle était faite de couches de rails et de fers en T et d'un peu de béton, tandis que l'embrasure recevait une pièce en fer forgé.
Casemate Haxo, vers 1800.
Casemate Haxo, vers 1800. Les maçonneries sont représentées en noir.
Casemate Schumann, 1865.
Le système Séré de Rivières –
une Ligne Maginot avant l'heure
Après la défaite de 1870, la France se lança dans l'édification le long de ses frontières terrestres et maritimes d'un gigantesque système fortifié connu sous le nom de fortification Séré de Rivières #Que les Allemands appelaient la Barrière de fer., du nom du général du Génie (1815-1895) qui en conçut et en dirigea la construction. De 1874 à 1885, du Nord à la Méditerranée, seront édifiés 196 forts, 58 ouvrages secondaires et 278 batteries. Les plus connus dans le Nord-Est seront ceux des places de Verdun, Toul, Epinal et Belfort.
Casemate française en fonte dure dite Mougin (1874) du système Séré de Rivières.
Malheureusement, à peine achevés en 1885 et construits essentiellement en maçonnerie et en terre, soumis à l'avènement des nouveaux projectiles et de la mélinite, ces ouvrages s'avèreront d'un coup totalement périmés et vulnérables. La solution sera de recouvrir les œuvres vives d'une épaisseur de béton et de généraliser les "cuirassements", c'est-à-dire les blindages. Mais le coût de cette vaste opération a fait que seule une partie de ces forts et ouvrages a pu être ainsi traitée et nombre d'entre eux – souvent situés en 2e ligne – sont restés dans leur état initial.
L'artillerie disparaît donc des superstructures des forts pour être placée sous tourelle et en casemate.
L'une des innovations des forts Séré de Rivières fut l'adoption en 1899 des casemates de Bourges. Il s'agit d'organes placés sur les côtés du massif central du fort, donc relativement protégés des coups directs, abritant sous béton deux canons de 75 et un observatoire, et dont la mission est la défense des intervalles avec les forts voisins #On en construisit 46 exemplaires dont 23 à Verdun., les rendant quasiment (et théoriquement) infranchissables. Les casemates d'artillerie de complément de la Ligne Maginot (et en particulier celles du Sundgau, voir plus bas) découlent presque directement des casemates de Bourges de Verdun, Toul, Epinal et Belfort de 1899 à 1914.
Principe de la casemate dite de Bourges. En noir les parties en béton, le reste étant en maçonnerie.
Aspect extérieur de la casemate de Bourges du fort de Vaux, près de Verdun (état actuel).
L'une des deux chambres de tir de la casemate de Bourges de l'ouvrage de St Symphorien, dans les environs de Verdun (état actuel).
La casemate de Bourges ouest du fort d'Uxegney, proche d'Epinal, vue de l'extérieur (état actuel).
L'une des deux chambres de tir de la casemate de Bourges ouest du fort d'Uxegney, restaurée et reconstituée avec son canon de 75 Mle 97 adapté forteresse (état actuel).
(4 photos de Benoît Rolle, fort d'Uxegney).
La Ligne Maginot
Lors de la construction de la Ligne Maginot à partir de 1930, l'artillerie a été exclusivement placée sous tourelle (canons de 75, mortiers de 75 et 81, obusiers de 135) et en casemate (canons de 75, mortiers de 81, obusiers de 135). Les casemates sont alors de grosses unités puissamment bétonnées #Jusqu'à 3,50 mètres de béton armé, voire plus., reliées par puits, escaliers, monte-charges et galeries à un ouvrage important (fort), et comportant 1, 2 ou 3 embrasures pour canon #L'une de ces casemates d'artillerie, le bloc 5 du fort de Rochonvillers, en Moselle, possède même 4 embrasures, 3 x 75 et 1 x 135. Autre exception notoire, le bloc 2 de l'ouvrage de Ste-Agnès (Alpes Maritimes) possède 4 niveaux et 6 embrasures : 2 x 75, 2 x 81, 2 x 135). On peut le visiter.. Dans les Alpes, les casemates d'artillerie à deux niveaux, canons de 75 au 1er niveau, mortiers de 81 en sous-sol, prédomineront sur les rares tourelles.
Le bloc 6 du grand ouvrage du Hochwald, dans le nord de l'Alsace, en 1939-40 et de nos jours, est le type même de la casemate d'artillerie puissante de la Ligne Maginot. Construit en 1932 et 1933, il abritait trois canons de 75 modèle 1929 d'une portée de 12 000 mètres.
Canon de forteresse de 75 Mle 1929 (ouvrage du Hochwald, 1939).
Ligne Maginot – Bloc d’ouvrage – casemate de flanquement
pour trois canons de 75 modèle 1929
(ouvrage du Hochwald, Secteur fortifié de Haguenau, Nord de l’Alsace, bloc 6)
- chambres de tir pour canons de 75 modèle 1929
- magasin à munitions de 75
- fusées
- deux monte-charge (matériels et munitions)
- cloche de mitrailleuses
- cloche GFM (guet et fusil-mitrailleur)
- cloche lance-grenades (non équipée en 1940)
- défense du fossé diamant
- issue de secours
- puits et escalier vers les galeries souterraines
- fossé diamant.
- chambres de repos pour 4 hommes
- chambre de repos pour 8 hommes
- chambre de repos pour 3 sous-officiers
- chambre de repos pour 2 hommes
- ventilateurs et filtres de rechange
- filtres
- monte-charge
- puits et escalier vers les galeries souterraines
- réservoir d’eau
- outillage et vivres de réserve.
À la première phase de réalisation de la Ligne Maginot (celle de la CORF, 1927-1935 #CORF, Commission d'organisation des régions fortifiées, l'organe militaire qui a réalisé la Ligne Maginot.) succède une période durant laquelle la quantité prévaudra sur la qualité (1935-1940). Des milliers de petits blockhaus, plus ou moins solides, sont coulés par les Régions militaires d'un bout à l'autre du front à l'avant, à l'arrière et dans les intervalles des ouvrages de la première série. Des casemates d'artillerie dites STG (conçues par la Section technique du Génie) et nettement plus solides viennent cependant renforcer cette multitude. Elles abritent un ou deux canons de 75 #Une seule exception, à Maulde dans le Nord a été construite une casemate pour un canon de 155, la seule et unique de ce type. Dans la trouée de la Sarre et dans le secteur de Montmédy des casemates à une seule pièce de 75 ont été réalisées.. Les casemates du Sundgau – ex?Secteur fortifié d'Altkirch, dans le sud de l'Alsace – sont issues de ce programme (voir plus loin).
Les casemates d'artillerie de la Ligne Maginot
(1930-1940 – tous types – du sud au nord)
Front de Haute-Alsace (du Rhin à la frontière suisse)
(voir article séparé : Les casemates du SF d'Altkirch)
Front du Rhin (de Hombourg à Lauterbourg)
Le front du Rhin # 104 casemates d'infanterie, 25 abris, plusieurs centaines de blockhaus et abris plus légers. est resté totalement dépourvu de casemates d'artillerie. L'impossibilité de les intégrer et de les défiler dans un terrain désespérément plat en est la raison, sans parler des questions d'économie, le Rhin ayant été jugé comme un obstacle déjà important, voire suffisant... #En 1940 l'artillerie de campagne ne manquait pas sur le front du Rhin mais au moment de l'offensive allemande et du franchissement du fleuve le 15 juin elle était repliée sans utilité sur le massif vosgien...
Région fortifiée de la Lauter (du Rhin à la Sarre)
La RF de la Lauter possédait 6 gros ouvrages avec artillerie, 5 petits ouvrages presque tous sans artillerie et une multitude de casemates et blockhaus CORF d'infanterie. Revoyons un peu dans le détail ce dispositif.
Tout au nord de l'Alsace, dans l'ex-Secteur fortifié de Haguenau, le grand ouvrage CORF du Hochwald
possède six importantes casemates avec artillerie, les blocs 1 (1 x 135), 6 (3 x 75), 12 (2 x 75) et 13 (1 x 135), auxquels s'ajoutent les blocs 3 et 16, deux coffres doubles (2 x 75 chacun) en défense des fossés. Ces casemates restent encore parfaitement visibles aujourd'hui. En 1939-40, la troupe a encore construit en rondins deux casemates de complément à 2 x 75, l'une à Oberroedern, l'autre sur le flanc est du Hochwald. Il n'en reste évidemment rien.
Ligne Maginot – Bloc d’ouvrage avec casemate pour un obusier de 135
et tourelle à deux obusiers de 135
(ouvrage du Hochwald, Secteur fortifié de Haguenau, Nord de l’Alsace, bloc 1)
- chambre de tir pour un obusier de 135 modèle 1932
- tourelle éclipsable avec deux obusiers de 135 modèle 1932
- magasin à munitions de 135
- deux monte-charge (matériels et munitions)
- défense du fossé diamant
- cloche observatoire VDP (#à vision directe et périscopique.) et bureau des observateurs
- cloche GFM (guet et fusil-mitrailleur)
- magasins (artifices, poudres, ...)
- issue de secours
- puits et escalier vers les galeries souterraines
- fossé diamant.
L’étage inférieur, non représenté ici, est occupé par l’étage inférieur de la tourelle de 135, les chambres de repos de l’équipage, la ventilation filtrée, les monte-charge et le puits avec escalier vers les galeries souterraines, et un réservoir d’eau.
Le bloc 12 de l'ouvrage du Hochwald en 1939-40 avec ses deux canons de 75-29 battait l'intervalle jusqu'à l'ouvrage du Four à Chaux à Lembach. Il reste encore parfaitement visible de nos jours. On remarque en haut et à gauche de la photo le fossé dit antichar qui défendait les avants du Hochwald.
Le bloc 13 du Hochwald est un bloc mixte artillerie/infanterie. À gauche, embrasure pour un obusier de 135, à droite deux créneaux pour jumelages de mitrailleuses et canon antichar de 47 (dont on aperçoit la volée).
Deux vues de la chambre de tir de l'obusier de 135 du bloc 13 en 1939-40 et en 1991 peu avant son démontage. Restauré, il est aujourd'hui sauvegardé et exposé dans l'ouvrage voisin de Schoenenbourg.
L'ouvrage du Hochwald possède un type de bloc à peu près unique sur l'ensemble de la Ligne Maginot : deux coffres doubles de contrescarpe, les blocs 3 et 16. Fortement armés (deux canons de 75-R32, deux jumelages de mitrailleuses, deux mortiers de 50, plusieurs FM) ces blocs devaient défendre le fossé dit antichar qui s'étend à l'avant de l'ouvrage sur 2500 mètres.
L'une des quatre pièces de 75 R32 qui armaient les blocs 3 et 16 du Hochwald en 1939-40. Cet armement rare et sophistiqué (seulement 9 exemplaires en place en 1939) a malheureusement disparu des ouvrages après guerre et il n'en reste aucun exemplaire. La grande pièce arquée à droite est le réceptacle des douilles.
Ligne Maginot - Bloc d’ouvrage – Coffre de contrescarpe
en défense du fossé antichar et antipersonnel,
2 canons de 75 R32, 2 jumelages de mitrailleuses, 2 FM, 2 mortiers de 50
(ensemble du Hochwald, Secteur fortifié de Haguenau, nord de l’Alsace, bloc 3).
- chambres de tir pour canon de 75 R32
- chambres de tir pour jumelage de mitrailleuses et projecteur
- créneaux FM (défense du fossé diamant)
- postes d’observation
- filtres et ventilation
- monte-charge (matériels et munitions)
- cloches GFM (guet et fusil-mitrailleur)
- accès à l’étage inférieur *
- fossé diamant
- mur de contrescarpe du fossé antichar/antipersonnel.
* l’étage inférieur, non représenté ici, est occupé par deux chambres de tir pour mortier de 50, un magasin à munitions M3 (#le magasin M2 est situé au pied du bloc, au niveau des galeries souterraines. Le M1 est le magasin principal d’ensemble pour tout l’ouvrage. Il est situé à proximité de l’entrée des munitions de l’ouvrage.) , les chambres de repos de l’équipage, un local TSF, la ventilation filtrée, le monte-charge et le puits avec escaliers vers les galeries souterraines, l’issue de secours dans le fossé diamant.
Dans les Vosges du Nord où il n'existe pas d'ouvrage CORF avec artillerie sous casemate la STG a quand même construit deux casemates de complément à 2 x 75, celles de Windstein et du Biesenberg, aux deux extrémités de la vallée de la Schwarzbach qu'elles devaient battre.
La casemate d'artillerie de complément de Windstein, bien qu'opérationnelle en 1940, est restée inachevée avec ses embrasures béantes. Elle était armée de canons de 75 de campagne "adaptés casemate" et non de forteresse.
Ce n'est que dans le secteur de Bitche que l'on va revoir de grands ouvrages CORF avec casemates d'artillerie. L'ouvrage du Schiesseck en possède une avec deux mortiers de 81. Le grand ouvrage du Simserhof compte, parmi ses deux entrées et 8 blocs de combat, deux casemates à 3 x 75 chacune et deux autres avec un 135 chacune.
Le bloc 6 de l'ouvrage du Simserhof, une casemate à 3 x 75-32, tel qu'il se présentait en 1939-40.
Le même bloc 6 bien mis à mal par les canons américains en 1944, les Allemands s'étant retranchés dans l'ouvrage. Malgré un pilonnage intense, l'intérieur du bloc était resté intact.
Le bloc 6, réparé et re-bétonné dans les années 1950 durant la Guerre froide, tel qu'il apparaît de nos jours.
Le bloc 5, également une casemate à 3 x 75-32, également pilonné par les Américains, n'a pas été réparé et est resté dans son triste état de 1944.
Ouvrage du Simserhof – Vue d'ensemble de l'une des pièces de 75 Mle 1932 qui armaient les blocs 5 et 6. On peut remarquer l'affût spécial dit " à pivot fictif ", la plate-forme mobile pour les servants, les deux cylindres équilibreurs sur le haut de la pièce, les deux sièges des pointeurs. Sur la droite, une goulotte lance-grenade devaient défendre le fossé diamant extérieur.
Vue partielle et rapprochée d'une pièce de 75-32 du Simserhof avec sa culasse semi-automatique Mle 1933.
La trouée de la Sarre (de Sarralbe à Faulquemont)
C'est un secteur sans ouvrages CORF mais organisé en zones inondables. Des blockhaus MOM (construits par la main d'œuvre militaire) et STG d'infanterie viennent tardivement étoffer ce secteur ainsi que quelques casemates d'artillerie STG à une pièce de 75. On les trouvera, d'est en ouest, à Barst, Biding (2 exemplaires) et Vahl-Ebersing. Elles existent toujours, celle de Barst ayant même été quelque peu rénovée.
Région fortifiée de Metz (de la trouée de la Sarre à Longuyon)
Sur près d'une centaine de kilomètres c'était le segment le plus solide de la Ligne Maginot construit par la CORF. Subdivisée en quatre secteurs, les SF de Faulquemont, Boulay, Thionville et Crusnes, la RF de Metz comportait 14 gros ouvrages avec artillerie, 24 petits ouvrages, la plupart sans artillerie, et dans leurs intervalles de nombreuses casemates CORF et une multitude de blockhaus plus légers. Sauf quatre exceptions #ouvrages dotés de tourelles à éclipse en lieu et place., tous les gros ouvrages possèdent une à quatre casemates avec artillerie. En outre, certaines casemates mixtes abritent aussi une tourelle à éclipse avec 2 x 75 ou 2 x 135.
Le SF de Faulquemont et l'aile droite du SF de Boulay ne sont constitués que d'ouvrages CORF d'infanterie. Deux d'entre eux cependant ont reçu un appoint d'artillerie sous la forme de créneaux pour mortier de 81 (les PO de Coume Sud, 2 x 81, et de Laudrefang, 2 x 2 x 81). Pour pallier la faiblesse de ces secteurs, en 1937 cinq casemates d'artillerie de complément type RF Metz à 2 x 75 sont venues les renforcer. Par rapport aux casemates d'artillerie du Sundgau les casemates RFM possèdent un étage inférieur pour le stockage de munitions et le logement de l'équipage, un groupe électrogène, un créneau observatoire et une cloche GFM (guet et fusil-mitrailleur).
Les cinq casemates d'artillerie de complément type RFM
des secteurs fortifiés de Faulquemont et Boulay,
d'est en ouest
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De nos jours, la casemate d'artillerie de complément du Stocken (Secteur fortifié de Faulquemont), l'une des cinq de ce type dans ce secteur et celui de Boulay. Les deux créneaux sont toujours munis de leurs volets blindés roulants. À l'extrême droite, un créneau observatoire.
Jusqu'à la fin des années 1970 quelques canons de 75 Mle 1897 de casemate sont restés en place comme ici dans la casemate d'Ottonville (SF Boulay). Ils avaient été prélevés dans les casemates de Bourges des forts Séré de Rivières d'Epinal vers 1937-38. Les culasses sont cependant ici absentes. À remarquer aussi, les volets roulants blindés se déplaçant avec la bouche à feu (photos G. et M. Mansuy, 1977).
Casemate de complément type RFM (Région fortifiée de Metz), programme 1937,
pour deux canons de 75 Mle 1897 de casemate et observatoire.
- entrée de l’équipage
- entrée des matériels
- observatoire
- chambres de tir
- cloche GFM (guet et fusil-mitrailleur)
- créneaux FM de défense rapprochée
- accès à l’étage inférieur
- étage inférieur (logement de l’équipage, groupe électrogène, ventilation, magasin à munitions).
- fosses à douilles de 75.
Montmédy et Ardennes
Au-delà de la RF de Metz s'étendent des secteurs plus faibles avec peu d'artillerie. Le SF de Montmédy a été doté de 1934 à 1938 d'un prolongement CORF de la RF Metz mais avec seulement deux ouvrages d'artillerie et deux ouvrages d'infanterie, soit au total seulement deux tourelles à 2 x 75. Quatre casemates STG à une pièce de 75 ont cependant quelque peu renforcé ce secteur et une 5e à 2 x 75 était en construction.
Aucun ouvrage du type CORF n'existait au-delà, dans le secteur des Ardennes constitué seulement de blockhaus légers que seules 6 casemates STG d'artillerie à une ou deux pièces de 75 venaient épauler sur un front de plus de 40 kilomètres. C'est ici qu'a eu lieu la percée allemande le 12 mai 1940...
Les onze casemates d'artillerie de renforcement type STG
des secteurs de Montmédy et Ardennes
(de part et d'autre de Sedan), d'est en ouest
- La Higny (2 x 75), inachevée
- Villecloye (1 x 75)
- La Laiterie (1 x 75) #La seule qui possède une cloche GFM.
- Villy-Est (1 x 75)
- Villy-Ouest (1 x 75)
- Euilly-Lombut (1 x 75)
- Chyberchamp (1 x 75)
- Grand-Pâquis (1 x 75)
- Frénois (1 x 75)
- Flize (2 x 75)
- Nouzonville (2 x 75).
La casemate d'artillerie de complément de Chyberchamp, entre Sedan et Carignan, n'avait qu'une seule pièce de 75.
La casemate d'artillerie de complément de Flize, au SE de Charleville-Mézières, a subi quelques dégâts en 1940. Elle abritait deux canons de 75.
Située à quelques kilomètres au nord de Charleville-Mézières, la casemate de Nouzonville avait également deux pièces de 75. Elle devait renforcer la défense de la vallée de la Meuse en aval de la ville.
Nord
Le territoire entre les Ardennes et la mer, soit 180 kilomètres environ, serait également resté faiblement fortifié (surtout de casemates STG d'infanterie et de blockhaus légers MOM) si la CORF n'avait pas tenté d'y établir à partir de 1934 un front un peu plus solide. Devant Valenciennes et Maubeuge ont donc été construits cinq petits ouvrages, seulement d'infanterie (les PO de Boussois, Salmagne, Bersillies, Sarts, Eth-Jenlain). La seule artillerie sous béton de ce vaste secteur (en fait 4 secteurs fortifiés, les SF de Maubeuge, l'Escaut, Lille et Flandres) consistait en trois malheureuses casemates autour du vieux fort de Maulde, au nord de Valenciennes : une casemate pour un 155 et deux à 2 x 75 analogues à celles du SF Altkirch.
La casemate de 155 de Maulde, au nord de Valenciennes, est restée un cas unique de ce type d'ouvrage. Destinée à détruire les ponts sur l'Escaut en Belgique en cas d'irruption ennemie, elle abritait un canon de 155 GPF d'une portée de 18 600 mètres qui a ouvert le feu avec succès en mai 1940.
Toutes les casemates d'artillerie CORF de la Ligne Maginot
Nord-Est
Ouvrages d'artillerie ou d'infanterie avec artillerie, d'est en ouest :
(v) : ouvert aux visiteurs.
Région fortifiée de la Lauter
- Bois de Hoffen Ouest, (2 x 81) #Casemate d'infanterie possédant un étage d'artillerie..
- Schoenenbourg, aucune #Artillerie : ouvrage ne comportant que des tourelles. (v).
- Hochwald-Est, bloc 1 (1 x 135), bloc 3 (2 x 75-R32), bloc 6 (3 x 75-29).
- Hochwald-Ouest, bloc 12 (2 x 75-29), bloc 13 (1 x 135), bloc 16 (2 x 75-R32).
- Four à Chaux, aucune #Artillerie : ouvrage ne comportant que des tourelles. (v).
- Gd Hohekirkel, aucune #Ne possède qu'un seul bloc d'artillerie, une tourelle de 75-33..
- Schiesseck, bloc 4 (2 x 81).
- Simserhof, bloc 1 (1 x 135), bloc 4 (1 x 135), bloc 5 (3 x 75-32), bloc 6 (3 x 75-32) (v).
Région fortifiée de Metz
- Laudrefang #Ouvrage d'infanterie possédant deux blocs avec étage d'artillerie., bloc 1 (2 x 81), bloc 3 (2 x 81).
- Coume Annexe Sud, bloc 3 (2 x 81) #Ouvrage d'infanterie dont un bloc possède un étage d'artillerie..
- Anzeling, bloc 5 (1 x 135).
- Michelsberg, aucune #Artillerie : ouvrage ne comportant que des tourelles. (v).
- Mont des Welches, bloc 4 (2 x 81).
- Hackenberg, bloc 5 (3 x 75-29), bloc 8 (3 x 75-29), bloc 9 (1 x 135), bloc 25 (1 x 75-R32) (v) #A l'instar des blocs 3 et 16 du Hochwald, le bloc 25 est un coffre simple de défense du fossé antichar..
- Billig, bloc 4 (2 x 75-R32), bloc 5 (2 x 75-R32).
- Métrich, bloc 1 (3 x 75-32), bloc 15 (2 x 81).
- Galgenberg, aucune #Artillerie : ouvrage ne comportant que des tourelles. (v).
- Kobenbusch, bloc 7 (3 x 75-32).
- Soetrich, bloc 3 (2 x 81).
- Molvange, aucune #Artillerie : ouvrage ne comportant que des tourelles..
- Rochonvillers, bloc 5 (3 x 75-29, 1 x 135).
- Bréhain, aucune #Artillerie : ouvrage ne comportant que des tourelles..
- Bois du Four, ouvrage monobloc (2 x 81) #Ouvrage d'infanterie comportant un étage d'artillerie. (v).
- Latiremont, bloc 5 (3 x 75-32), bloc 6 (3 x 75-32).
- Fermont, bloc 4 (3 x 75-32) (v).
Secteur fortifié de Montmédy
- Velosnes, aucune #Ne possède qu'un seul bloc d'artillerie, une tourelle de 75-33..
- Chênois, aucune #Ne possède qu'un seul bloc d'artillerie, une tourelle de 75-1905..
Proche de Thionville, le bloc 1 de l'ouvrage de Métrich et ses trois créneaux de 75-32 est un monstre de béton. Croisant ses feux avec ceux des ouvrages du Galgenberg et du Kobenbusch il avait pour mission, entre autres, la défense de la vallée de la Moselle, important axe de pénétration nord-sud.
Le bloc 7 de l'ouvrage du Kobenbusch encore bien dégagé en 1960 et peu à peu submergé par la végétation de nos jours. Ses trois embrasures abritaient des 75-32.
Exceptionnel dans le Nord-Est avec ses quatre créneaux d'artillerie, le bloc 5 de l'ouvrage de Rochonvillers, au NE de Thionville, vu en 1980 et de nos jours (Wikipedia). Il était armé de 3 canons de 75-29 et d'un obusier de 135.
Vues récentes des blocs 5 et 6 de l'ouvrage de Latiremont, situé au sud de Longwy, et de leurs trois créneaux pour 75-32.
Le bloc 4 de l'ouvrage de Fermont, proche de Longuyon, a été durement attaqué au canon par les Allemands en 1940 mais sans réduire sa capacité de résistance. Le bloc a été réparé et re-bétonné après guerre et peut être visité.
Sud-Est
Ouvrages d'artillerie, du nord au sud :
Secteur fortifié de Savoie
- Sapey, bloc 1 (1 x 75-33), bloc 2 (1 x 75-33), bloc 4 (2 x 75-29).
- St Gobain, bloc 1 (2 x 81), bloc 2 (2 x 81) (v).
- St Antoine, bloc 1 (2 x 75-31).
- Lavoir, bloc 1 (2 x 75-31), bloc 2 (2 x 75-31), bloc 5 (2 x 75-31, 4 x 81).
- Pas du Roc, bloc 3 (2 x 75-31), bloc 4 (4 x 81).
Secteur fortifié du Dauphiné
- Janus, bloc 2 (2 x 81), bloc 3 (2 x 75-31), bloc 8 (4 x 95).
- St Ours Haut, bloc 2 (2 x 81, 1 x 75-31), bloc 5 (2 x 81) (v).
- Roche la Croix, bloc 5 (2 x 75-31, 2 x 81) #Ainsi qu'une tourelle 2 x 75-33, l'une des rares du front des Alpes. (v).
- Restefond, bloc 5 (1 x 75-31, 2 x 75-32) #Ouvrage situé à 2000 m et resté inachevé..
Secteur fortifié des Alpes Maritimes
- Rimplas, bloc 1 (2 x 81), bloc 4 (2 x 75-33, 1 x 75-31), bloc 5 (2 x 75-33, 1 x 75-31) (v).
- Gordolon, bloc 2 (2 x 81), bloc 3 (2 x 75-31, 2 x 81).
- Flaut, bloc 2 (2 x 81), bloc 3 (2 x 75-33), bloc 4 (2 x 81).
- Plan Caval, ouvrage inachevé.
- Col de Brouis, bloc 2 (2 x 81), bloc 3 (2 x 81).
- Monte Grosso, bloc 3 (2 x 75-29), bloc 4 (4 x 81) #Plus gros ouvrage du Sud-Est avec 7 blocs. Possède aussi une tourelle de 2 x 75-33 et une tourelle de 2 x 135..
- Agaisen, bloc 2 (2 x 75-31, 2 x 81), bloc 3 (2 x 81) #Le bloc 3 possède aussi une tourelle de 2 x 75-33. (v).
- St Roch, bloc 4 (1 x 75-29, 4 x 81) (v).
- Barbonnet, bloc 2 (2 x 75-29, 2 x 81).
- Castillon, bloc 3 (2 x 75-29, 2 x 81), bloc 6 (2 x 81).
- Ste Agnès, bloc 2 (2 x 75-31, 2 x 135, 2 x 81), bloc 3 (2 x 75-31, 2 x 81) #Plus gros bloc d'artillerie de toute la fortification des années 1930, Nord-Est et Sud-Est. (v).
- Mont Agel, aucune casemate d'artillerie #Artillerie sous deux tourelles de 2 x 75-33..
- Roquebrune, bloc 2 (2 x 75-31, 2 x 81), bloc 3 (2 x 75-31, 2 x 81).
- Cap Martin, bloc 1 (2 x 81), bloc 2 (1 x 75-29), bloc 3 (2 x 75-29, 2 x 81)(v).
- Corse : trois casemates d'artillerie à une ou deux pièces de 75-29 ont été réalisées dans l'île.
Incrusté sous le vieux fort Séré de Rivières du Sapey, sur les hauteurs dominant Modane, l'ouvrage Maginot du même nom possède une entrée et quatre blocs. Parmi ceux-ci, le bloc 4 et ses deux 75-29 avaient pour mission la défense de la vallée du Fréjus vers le col du même nom.
Proche de Modane (SF de Savoie), l'ouvrage de St Gobain possède deux blocs d'artillerie armés de mortiers de 81. Le bloc 1, établi à contrepente et peu visible, dévoile ici ses deux embrasures de 81. Le tir courbe étant bien adapté au combat en montagne, cet armement se retrouve très fréquemment dans les ouvrages des Alpes.
Le mortier de 81 modèle 1932 de casemate tirait sous un angle fixe de 45° avec une portée de 3500 mètres, voire plus. Le chargement s'opérait par l'arrière du tube, fermé par une culasse mobile, la portée étant réglée par l'addition de charges-relais variables sur la munition et une action sur deux cylindres de détente. La cadence était de 15 coups/minute, pouvant être exceptionnellement doublée. Au total 68 pièces de ce type existaient sur le front alpin. La même arme existait aussi sous tourelle éclipsable dans le Nord-Est.
Vu sous deux angles différents, le bloc 5 de l'ouvrage du Lavoir, également dans les environs de Modane, était puissamment armé avec ses deux 75-31 et quatre 81. L'ouvrage possède deux entrées et 5 blocs dont 3 d'artillerie. Il avait pour mission la défense de tout le secteur du col du Fréjus et des cols voisins.
Egalement bien adapté pour le combat en montagne et dérivé raccourci du canon de 75, le mortier de 75 de casemate modèle 1931 équipe une majorité d'ouvrages dans les Alpes. Sa portée maximale était de 6000 mètres. 30 exemplaires étaient en service en 1939 sur ce front et trois autres étaient en attente d'installation.
Incrusté en pleine paroi, l'incroyable bloc 3 de l'ouvrage du Pas du Roc, également dans le secteur du col du Fréjus et l'un des plus hauts des Alpes (2400 m). Ce bloc était armé de deux 75-31. Compte tenu de son altitude et bien que ravitaillé par téléférique, l'ouvrage est resté inachevé en 1940.
L'imposant bloc 5 de l'ouvrage de Roche la Croix, proche de Barcelonnette, dans le SF du Dauphiné, ne possède pas moins de six pièces d'artillerie, soit deux 75-31, deux 81 et une tourelle de deux 75-33 ! Participant à la défense du col de Larche, il est énergiquement entré en action en juin 1940 contre les batteries italiennes.
Etabli tant bien que mal dans le relief accidenté du col de Restefond, à plus de 2000 mètres d'altitude, le bloc 6 de l'ouvrage inachevé du même nom possède deux créneaux de 75-32 et un de 75-31. L'ouvrage disparaît souvent sous la neige...
Gros plan sur l'une des embrasures de 75-32, protégée par des volets blindés. La teinte de camouflage est adaptée à celle de la roche environnante.
Dans le Secteur fortifié des Alpes Maritimes la ligne des ouvrages devient pratiquement continue de la vallée de la Tinée à la mer et les ouvrages d'artillerie se succèdent de proche en proche. L'ouvrage de Rimplas, construit dès 1928 sur un piton rocheux à proximité de la frontière italienne, possède trois blocs d'artillerie dont deux d'action frontale. Plus exposées ici que sur les casemates de flanquement, les embrasures ont été renforcées par d'épaisses plaques de blindage d'où l'appellation de "casemates cuirassées". On voit ici le bloc 5 de l'ouvrage avec deux embrasures de 75-33 et une de 75-31. On aperçoit aussi 3 cloches, une cloche GFM, une cloche observatoire et... une fausse cloche en tôle.
Le grand ouvrage du Monte Grosso, surveillé et entretenu jusqu'aux années 1980 voire 1990 comme la plupart des ouvrages des Alpes Maritimes, est resté jusqu'à cette époque dans un superbe état. Ses pièces de 75-29 et 81 y demeuraient pratiquement intactes, à l'exception de leurs culasses. Ici, l'une d'elles dans le bloc 3.
Le bloc 2 de l'ouvrage de l'Agaisen, situé sur les hauteurs dominant Sospel, est typique des blocs d'artillerie des Alpes : deux créneaux pour 75-31 au niveau du sol, deux créneaux pour mortier de 81 en sous-sol. A droite, un créneau pour jumelage de mitrailleuses. La teinte rougeâtre du crépi est en accord avec la roche et le terrain environnants.
Le bloc 3 de l'ouvrage de Castillon, situé entre Sospel et Menton, possède toujours ses 75?29 ainsi que, invisibles ici, deux mortier de 81 en sous-sol.
Gros plan sur l'un des créneaux de 75-29 de l'ouvrage de Castillon. Le petit volet à droite protège l'orifice d'une lunette de visée type G/G'.
Le bloc 2 de l'ouvrage de Ste Agnès, sur les hauteurs dominant Menton, est certainement le plus gros bloc de l'ensemble de la Ligne Maginot du Nord-Est et Sud-Est. Il possède quatre étages et six embrasures d'artillerie : deux 75-31, deux 135, deux 81. Masquées dans le fossé diamant, les embrasures de ces derniers sont invisibles ici. A gauche, une cloche observatoire.
Dans le même secteur, l'ouvrage de Roquebrune est l'avant-dernier avant la côte. Son bloc 2 (2 x 75-31, 2 x 81) présente de curieuses visières ondulées sur ses embrasures de 75. Cloche GFM à droite, cloche de jumelages à gauche.
Le bloc 3 du même ouvrage de Roquebrune est une imposante casemate à 3 niveaux : embrasures de 75-31 au niveau du sol, de mortiers de 81 en sous-sol sous lesquels existe en outre un étage à munitions.
Que sont devenues les pièces de 75, 81 et 135 des casemates d'artillerie
de la Ligne Maginot après 1940 ?
Durant l'occupation du pays, contrairement à de fréquentes affirmations, les Allemands n'ont pas réutilisé sur le Mur de l'Atlantique l'armement CORF de la Ligne Maginot (#À une exception près : les petits mortiers de 50 modèle 1935 adaptés en tobrouk par centaines d'exemplaires des Landes à la Norvège.) . Trop spécialisés "forteresse" et difficiles à adapter au catalogue des Regelbauten (plans-types) de la Wehrmacht, ces matériels auraient posé trop de problèmes d'installation. Ca et là des pièces d'artillerie ont été démontées par l'occupant (#À Latiremont (54), les Allemands auraient démonté les six pièces de 75-32.) mais en majorité ces armements sont donc restés en place, intacts, après l'armistice et même en grande partie pendant la durée de la guerre. Dans le Sud-Est toutefois, les Italiens ont récupéré dans les ouvrages des Alpes les canons de 75-33 en casemate pour les stocker à La Spezia où... ils ont disparu sous un bombardement allié.
En 1945, à l'heure de la retraite, les Allemands sabotent un certain nombre d'ouvrages, mettant hors d'état de servir armement de casemate et de tourelle restés en place. À partir de 1950, alors que gronde la Guerre froide entre le bloc occidental et le bloc soviétique, les ouvrages Maginot avec artillerie sont réhabilités, l'armement réparé ou remplacé et remis en état de servir (#À l'exception des canons de 75-29 dont la volée, dépassant largement hors de l'embrasure, était devenue trop vulnérable.). Vers 1970, la Défense nationale abandonne la Ligne Maginot à son sort. Commence alors l'ère des vols et du vandalisme, heureusement tempérée par l'action des associations de sauvegarde qui parviennent, avec le consentement de l'armée, à préserver un nombre respectable de pièces d'artillerie (#Pièces de 75 tous modèles, de 81 et 135 que l'on peut voir aujourd'hui exposées à Fermont et au Bois du Four (54), au Hackenberg et au Simserhof (57) et au Schoenenbourg (67).).
Rappelons pour conclure ce chapitre que des casemates d'artillerie ont ouvert le feu et même un feu nourri contre l'ennemi en 1940, souvent avec succès. La casemate de Maulde et son 155, le bloc 4 de Fermont, le bloc 5 du Simserhof, les blocs 6, 12 et 13 du Hochwald, parmi d'autres, ont prouvé l'efficacité de l'artillerie en casemate. En 1944, retranchés dans le Hackenberg, les Allemands se sont servis de son bloc 8 contre l'avance américaine avant qu'il soit neutralisé par un canon de 155 US.
Le Mur de l'Atlantique
La gigantesque "muraille" de fortifications côtières construite par les Allemands de 1940 à 1945 du nord de la Norvège à la frontière espagnole, ainsi que sur les côtes méditerranéennes – la forteresse Europe – a véritablement été le triomphe de l'artillerie en casemate. Des milliers de canons y ont été installés dans des casemates de tous types et de toutes dimensions, généralement issus des catalogues de Regelbauten (plans-types) du génie de forteresse allemand. On y a même vu d'énormes canons de marine de 406 mm installés en casemate. Une grande partie de ces ouvrages existe toujours sur les côtes françaises, en particulier dans le Pas-de-Calais et en Normandie, dans les îles Anglo-Normandes et en Norvège. Le défaut de ces casemates, généralement frontales, était de ne pouvoir tirer que dans une seule direction, sans parler de leurs embrasures béantes et vulnérables.
L'une des nombreuses casemates pour canon de 105 du Mur de l'Atlantique dans les îles Anglo-Normandes, ici à Jersey, le seul territoire britannique conquis par les Allemands pendant la guerre 39-40. Le canon est une adaptation en casemate du canon français de 105 modèle 1913 Schneider que les Allemands désignaient 10,5 cm K331(f).
La batterie de Longues, en Normandie, est la seule en France à avoir conservé ses canons, des 15 cm TbK C/36 Krupp, sous casemates type M 272.
En Norvège, les Allemands ont également adapté en casemate le canon français de 105 Mle 1936 Schneider ou 10,5 cm K332(f), en casemate R 671.
Les Allemands ont construit pendant la guerre dans le Pas-de-Calais et en Norvège plusieurs gigantesques casemates pour canons de 380 et 406 dont quelques-unes subsistent encore aujourd'hui. On voit ici, à la fin de la guerre et avec son camouflage, celle de la batterie Vara, dans le sud de la Norvège, qui avait au total quatre canons de 380 dont un seul en casemate. Le poteau oblique à gauche est un leurre simulant un faux canon. Quant aux plots en béton au 1er plan ils devaient supporter les rails du portique de montage du canon (photo US 1945).
La même casemate de la batterie Vara aujourd'hui, vue sous ces façades avant et arrière. Celles-ci s'étendent sur plus de 35 mètres. Si les trois autres canons de 380 de la batterie étaient en place dès 1942, celui qui devait être attribué à cette casemate n'est jamais arrivé. Son navire transporteur avait été coulé par la RAF.
Batterie Vara : vue du canon de 380 (38 cm SKC/34) n° 2 de nos jours
avec au fond la casemate prévue pour le canon n° 1.
La Guerre froide
L'emploi d'artillerie en casemate ne s'est pas arrêté avec la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dès l'amorce de la Guerre froide en 1947 de nombreux pays occidentaux (et communistes) ont relancé leurs systèmes de défense. En France les grands ouvrages de la Ligne Maginot ont repris du service de 1955 à 1967 après avoir été remis en état de servir. L'artillerie sous tourelle et en casemate du nord de l'Alsace et de la Lorraine se retrouvait donc en 1955 dans son état de 1939 !
En Suisse l'artillerie en casemate sera largement développée pendant toute cette période avec divers types d'armement – y compris de DCA en casemate – dont les fameux canons de 155 Bison en batteries à deux pièces d'une portée de 40 km pouvant aller jusqu'à 60 km.
Même le Mur de l'Atlantique a été réactivé en Norvège après 1950 et bien des canons allemands (et français) de 1940-1945 ont été placés en casemate, soit allemande de la guerre soit norvégienne d'après guerre. Ces installations sont restées en service jusqu'au début des années 1990, c'est-à-dire jusqu'à la chute du bloc communiste.
Les silos à missiles intercontinentaux, tels qu'ils ont existé en particulier aux USA et en France (plateau d'Albion) peuvent être considérés comme l'ultime forme d'artillerie en casemate.
Aujourd'hui, les armements modernes ont mis fin à l'ère de l'artillerie casematée pour être remplacée par des systèmes plus mobiles et donc bien moins vulnérables.
Des années 1940 à la fin du 20e siècle c'est véritablement en Suisse qu'a triomphé le règne de l'artillerie en casemate. De la modeste casemate isolée et camouflée au grand fort de montagne percé dans la roche, du canon de 75 au 155 à longue portée, c'est tout un système varié et complexe qui devait défendre d'abord les frontières puis le cœur du pays, le fameux Réduit. Sur ces deux photos, un exemple parmi d'autres : le grand fort du Grimsel, face au col du même nom, et quelques-unes de ses six embrasures de 15 cm BK 42 en falaise. Ces canons portaient à 25 km et, avec plusieurs autres ouvrages, devaient défendre tout le secteur du Gothard. Sur l'agrandissement on aperçoit, de dr. à g., deux créneaux observatoires et mitrailleuses puis deux des six embrasures d'artillerie.
Cette embrasure du fort de Cindey, l'une des composantes du verrou de Saint-Maurice, sur la vallée du Rhône, abrite une pièce de 10,5 cm antichar 39/46 L/52. Le camouflage constitué de grillages peints se déplaçant sur les rails haut et bas est ouvert et invisible ici.
Cette magnifique grange est en fait une solide casemate pour une pièce de 7,5 cm 03/22 L/30, l'un des éléments de l'ouvrage de Commeire, dans le secteur du col du Grand St-Bernard.
Au sein de l'armement antichar on trouve de nombreuses petites casemates pour tourelle de char Centurion armée d'un canon de 10,5 cm 59 L/52.
Le canon de 7,5 cm de forteresse 39 L/30 sur affût à pivot fictif est resté pendant les années 40 l'arme défensive de prédilection pour la défense des frontières. On le voit ici dans l'ouvrage de Magletsch mais on peut aussi le voir à Reuenthal (près de Bâle) et à Vallorbe (Vaud).
Casemate d'instruction avec deux obusiers de 10,5 cm 46 L/22 sur le site de l'ouvrage de Magletsch, au NE de la Suisse, face à la haute vallée du Rhône et à l'Autriche. Cette casemate pouvait évidemment participer à la défense active en cas de besoin.
Le même type d'arme (obusier de 10,5 cm 46 L/22) ici en casemate isolée et camouflée à l'aide de grillage fin, normalement peint selon l'environnement.
La même arme vue ici à l'intérieur de la casemate sur son affût à levier. Cette casemate appartient à une position de barrage dans une vallée du Tessin comportant 8 casemates du même type et deux ouvrages d'artillerie à 2 x 7,5 cm.
Des années 1940 à 1980, le canon de forteresse de 15 cm BK 42 L/50 est resté l'arme retenue pour l'action à longue portée, soit plus de 30 kilomètres.
Dernier en date des canons à longue portée (jusqu'à 40 km) le canon de 15,5 cm "Bison" s'abrite dans une casemate double desservie par un ouvrage monobloc isolé. On en voit ici un exemplaire, dépourvu de ses canons, dans le secteur du St-Gothard.
Le même type d'ouvrage, toujours dans le secteur du St-Gothard, est vu ici avec ses canons de 15,5 cm hors période d'action et abrités dans leur logement extérieur. À remarquer le camouflage assez élaboré dans un environnement de montagne.
Autre exemplaire d'une casemate "Bison" avec ses canons en position de tir à Trimmis, dans l'est de la Suisse, en défense de la haute vallée du Rhin.
Durant la période de la Guerre froide, notamment à partir de 1960, la Norvège a réemployé les canons allemands de la guerre tout en les plaçant en casemates inspirées des Regelbauten de 1939-45. Ici un 15 cm SKC/28 installé en casemate d'après guerre sur les bords du fjord de Trondheim. Pendant cette même période de 1960 à 1990, les Norvégiens ont également réutilisé les casemates allemandes type R 671 mais avec des canons de 10,5 cm SKC/32 à la place des 10,5 cm K331(f) ou K332(f) pendant la guerre. Ces casemates sont toujours visibles aujourd'hui, parfois même avec leur canon.
Fin
Crédits photos
Collection Henri Berger, Dr Frédéric Demaret, Pierre Frei, Albert Haas, Gérard et Michel Mansuy, Bruno Rolle, fort et musée du Simserhof, Wikipedia, collections de l'auteur.
Sources bibliographiques
- Paul Emile Delair – Histoire de la fortification jusqu'en 1870. Klopp éd.
- Pierre Rocolle – 2000 ans de fortification française. Lavauzelle éd.
- Pierre Sailhan – La fortification. Histoire et dictionnaire. Tallandier éd.
- Philippe Truttmann – La Muraille de France ou la Ligne Maginot. Klopp éd.
- Id. – La Barrière de fer. Klopp éd.