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21/11/24

Ligne Maginot

Reprise d'un article paru dans Fortifications et Patrimoine n° 5 (janvier 1998).

 

De tous les blocs et casemates de la Ligne Maginot ayant subi des destructions importantes durant la guerre, bien peu ont été effectivement réparés, voire reconstruits [1]Outre le bloc dont il sera question ici, l'un des exemples les plus frappants est celui de la casemate n° 3 du fossé antichar du Hochwald. Totalement détruite par les Allemands en retraite en janvier 1945, comme les huit autres casemates du fossé, elle a été intégralement reconstruite de 1954 à 1956 sur le même plan à quelques détails près. Les autres casemates du fossé sont hélas restées en l'état. après la guerre. En 1955 pourtant, en pleine période de "Guerre froide" avec le bloc soviétique de l'Est, après cinq années de formidables travaux, la Ligne Maginot avait en grande partie retrouvé son état de 1939 et était prête à reprendre du service. Pas tous les ouvrages cependant puisque seuls les grands ouvrages d'artillerie et un certain nombre de petits ouvrages d'infanterie, d'abris et d'observatoires CORF [2]Faut-il rappeler que la CORF (Commission d'organisation des régions fortifiées, 1927-1935) a été l'organe constructeur de la Ligne Maginot. Le terme CORF est synonyme de fortification solide et puissante, par rapport aux réalisations ultérieures (1935-1940). sont entrés dans ce plan de réfection. Peu de casemates CORF ont été concernées et, à notre connaissance, aucun bloc du type STG ou MOM.

Placé en avant-poste dans les marches du Nord-Est, à une portée de canon des berges du Rhin, c'est dans le cadre de cette vaste opération de remise en état de servir que l'ouvrage d'artillerie de Schoenenbourg retrouvait soudain, avec ses voisins Hochwald et Four à Chaux et leurs dix tourelles d'artillerie eclipsables au total, un intérêt militaire et défensif certain. Les trois ouvrages étaient pourtant sortis de la guerre en triste état, c'est-à-dire pratiquement à l'état d'épaves. Entrées dynamitées et délabrées, tourelles sabotées, blocs d'artillerie dévastés, matériels et équipements intérieurs endommagés voire disparus. Sans d'énormes et hypothétiques travaux de réparation ces ouvrages semblaient irrécupérables.

En 1950 pourtant, après une phase d'études, débute une période de travaux presque aussi gigantesques que ceux qui avaient donné naissance entre 1930 et 1938 au grand système fortifié des frontières que l'on connaît. En janvier 1951 est en effet constitué le Comité technique des fortifications (CTF) qui va établir plusieurs programmes successifs et, avec l'appui de l'OTAN, obtenir un premier financement par la loi-programme de janvier 1951.

Dans les grands ouvrages comme dans bon nombre d'ouvrages plus petits, les réparations concernent aussi bien le gros œuvre que l'armement et les installations intérieures : les blocs endommagés sont rebétonnés, les équipements réparés, révisés, recomplétés, les chambres de tir réparées et réarmées, les tourelles démontées, renvoyées en usine puis remontées dans leurs blocs.

Il en va ainsi au Schoenenbourg qui, après de sévères destructions en janvier 1945, retrouve dix ans plus tard, en 1954-1955, une nouvelle jeunesse. C'est de la réfection intégrale de son bloc 8 ou entrée des hommes qu'il sera question ici.

Le fort de Schoenenbourg en bref

L'ouvrage de Schoenenbourg est, à partir du Rhin, le premier des vingt deux grands ouvrages d'artillerie Maginot construits dans le Nord-Est. Cette primauté est la conséquence de l'ajournement d'un certain nombre d'ouvrages prévus par la CORF entre le Rhin et Schoenenbourg mais non réalisés soit en raison du terrain défavorable, soit par mesure d'économie [3]En particulier un autre gros ouvrage d'artillerie, celui d'Oberroedern, devait être construit à six kilomètres au sud-est mais finalement les travaux ont été arrêtés en raison d'un terrain incompatible..

Construit de 1931 à 1936, c'est un fort d'artillerie moyen possédant huit blocs : deux entrées en puits, trois blocs d'infanterie dont une tourelle de mitrailleuses, trois blocs d'artillerie (deux tourelles de 75, une tourelle de 81). Ces blocs et leurs installations souterraines sont reliés par 2,5 km de galeries enterrées à 25 mètres de profondeur, parcourues en partie par la traction électrique à voie de 60, et par six monte-charges de 1 à 5 tonnes.

Ses installations de service comprennent une centrale électrique à cinq groupes électrogènes diesel, des systèmes de ventilation et de filtrage de l'air, une caserne souterraine avec cuisines et infirmerie, des réserves d'eau et de carburant.

L'ouvrage est prévu pour un équipage interarmes (infanterie, artillerie, génie, santé) de 510 hommes mais celui-ci a dépassé 600 hommes en 1940.

1940

En mai-juin 1940, gênant considérablement les plans allemands d'invasion du nord de l'Alsace par les tirs incessants et précis de ses tourelles de 75 (plus de 16 000 obus tirés), il subit en contrepartie d'innombrables tirs d'artillerie avec des calibres de 105, 150, 280, 355 et même 420 mm, ainsi que de violents bombardements aériens (160 bombes dont quelques-unes de 1000 kg). Le Schoenenbourg aura ainsi le triste privilège d'avoir été le fort le plus bombardé de la Ligne Maginot !

Les effets de ces pilonnages seront pourtant quasiment nuls et la puissance de feu de l'ouvrage restera intacte jusqu'à l'heure de l'armistice, le 25 juin 1940, et les combats cesseront. Sur ordre du Haut-Commandement français l'équipage remet l'ouvrage intact aux Allemands le 1er juillet 1940 avant de partir en captivité, invaincu.

De cette date à fin 1944, durant l'annexion de l'Alsace au Reich, les Allemands occupent le Schoenenbourg mais sans l'affecter à une utilisation spéciale. Ses entrées en puits et l'absence de grands locaux tels qu'un magasin à munitions M1 écartent l'usage en dépôt de munitions ou d'usine souterraine qui aurait pu en être fait [4]Comme ce fut le cas à l'ouvrage voisin du Hochwald et ailleurs où les entrées sont de plain-pied et où existe un M1.. En 1940 et 1941 il reçoit de nombreux visiteurs, militaires de haut rang, dignitaires et alliés du régime.

1944-1945

À l'approche des forces américaines en décembre 1944 les Allemands évacuent l'ouvrage resté intact.

Fin décembre 1944 et début janvier 1945 la contre-offensive allemande Nordwind provoque un repli des troupes US dans le nord de l'Alsace et ramène celles de Hitler au Schoenenbourg. Pressentant une contre-offensive américaine, les Allemands vont alors appliquer sur la Ligne Maginot la politique de la terre brûlée en faisant sauter sur un front de 15 km tous les organes susceptibles de servir à l'ennemi et d'entraver leurs propres opérations. C'est ainsi que depuis le petit ouvrage de Lembach jusqu'aux casemates de Hunspach, six ouvrages, vingt casemates et un observatoire sont partiellement ou totalement détruits.

Au Schoenenbourg les Pioniere allemands vont neutraliser les organes suivants :

- bloc 2 (tourelle de mitrailleuses) : sabotage de l'intérieur de la chambre de tir,
- bloc 3 (tourelle de 75) : sabotage à l'intérieur de la chambre de tir (canons et berceaux détruits),
- bloc 4 (tourelle de 75) : sabotage à l'intérieur de la chambre de tir (canons et berceaux détruits),
- bloc 7 (entrée des munitions) : grosse explosion, destructions intérieures (dalle de toiture fissurée, plafond déchiqueté, porte blindée et pont roulant détruits, monte-charges endommagés),
- bloc 8 (entrée des hommes) : forte explosion intérieure, grosses destructions, dalle de toiture entièrement fracturée, mur de façade arraché.

La centrale électrique est également sur la liste des destructions à opérer mais un miracle évite l'explosion des charges et, à l'exception d'un moteur, l'usine reste intacte [5]Selon un témoignage, les Allemands auraient déjà détruit l'un des moteurs le 11 décembre 1944. Pour sauver les autres groupes, un électromécanicien alsacien aurait incisé les cordons d'allumage et réduit la quantité de poudre dans les charges..

Réalisé par économie en protection 3 (et non en protection 4 comme la plupart des entrées des gros ouvrages du Nord-Est) le bloc 8 est donc celui qui a le plus souffert. En particulier son gros œuvre est gravement endommagé. Jusqu'en 1950, le bloc va rester à l'état de ruines, le génie militaire français se contentant d'obturer les ouvertures béantes par un mur en briques.

À cette époque, le génie militaire qui, au lendemain de la guerre, a repris les ouvrages en charge reçoit la mission considérable de les remettre en état de servir. Si l'ensemble des destructions et sabotages dont a été le siège le Schoenenbourg ne va pas poser de problèmes majeurs de réparations, il n'en va pas de même du bloc 8. Son état est tel qu'il est d'abord considéré comme irréparable. Puis propositions et projets vont se succéder de 1950 à 1955.

Le bloc 8 initial

En 1930 il n'est encore question que d'un " petit ouvrage de Schoenenbourg ", même s'il s'agit déjà d'un ouvrage d'artillerie. Pendant la phase de conception, le plan de masse de l'ouvrage évolue constamment et, en particulier, l'emplacement des entrées. La direction du génie de Strasbourg, sous les ordres du colonel Gourandy, et le bureau d'études du Lt-colonel Cussenot étudient, dessinent, proposent et à Paris la CORF décide !

En mars 1931, le général Belhague, grand patron de la CORF, accepte une entrée bétonnée et une "issue de secours" (le futur bloc 8) camouflées dans un bloc de rocaille. En mai le plan d'implantation du Schoenenbourg et son plan de masse reçoivent l'approbation ministérielle. Les travaux ne commencent réellement qu'en juillet 1931.

En décembre sont définies l'entrée des munitions et l'entrée des hommes, toujours appelée issue de secours et où se situeront les évacuations de l'air vicié et des gaz de l'usine. En 1932, le terrain s'avérant insuffisamment résistant pour supporter le poids du bloc 8 (plus de 4000 tonnes), il est décidé de le soutenir par huit piliers d'une quinzaine de mètres de hauteur assis sur une large semelle de béton au niveau des galeries. A l'exception des blocs 6 et 7 tous les blocs de l'ouvrage seront traités de la même façon. En 1933 et 1934 les bétonnages des blocs sont terminés et, en particulier, ceux des entrées, les blocs 7 et 8.

Une entrée des hommes des plus classiques

Le bloc 8 terminé apparaît comme une entrée des hommes d'un ouvrage moyen tout à fait classique. Elle s'apparente en fait à une casemate d'infanterie reliée par puits avec escalier et monte-charge aux galeries souterraines. Elle est constituée de 2030 m3 de béton spécial et s'étend sur deux étages.

L'étage supérieur possède, outre le couloir d'entrée en chicane défendu par deux créneaux intérieurs, une grande chambre de tir pour un FM, un jumelage et un canon de 47, une petite chambre de tir pour un FM en caponnière de défense de l'entrée, une chambre de repos et les puits des deux cloches LG et GFM.

À l'étage inférieur on trouve le local des ventilateurs et des filtres à air, un local prévu pour un aéro-refroidisseur (non installé, l'alimentation interne en eau de refroidissement des moteurs ayant été estimée suffisante), un local TSF (radio). La profondeur du puits vers les galeries est de 16,30 m.

Seule nuance mais de taille par rapport aux autres entrées hommes du Nord-Est, par économie le bloc 8 a été traité en protection 3 (dalle de toiture de 2,50 m) et non 4 comme ailleurs (dalle de 3,50 m).

  • Les photos s'affichent en taille réel au clic de souris


Plans originaux : Jean-Bernard Wahl.
Infographie : Frédéric Lisch - 1998 - 2013.

Un bloc cheminées

Comme on l'a vu, ce bloc 8 sort intact des bombardements de 1940 mais est très endommagé en 1945 par l'armée allemande en retraite et va le rester jusqu'au début des années 1950. Dans son rapport du 1er octobre 1951 au général inspecteur du Génie, le colonel Truc, directeur de la Section technique des bâtiments, fortifications et travaux à Paris, propose la démolition complète du bloc et son remplacement par un nouveau bloc.

Comme le bloc détruit coiffe toujours la tête du puits de l'entrée des hommes, il est suggéré de le transformer uniquement en bloc d'admission de l'air frais et d'évacuation des gaz de la centrale et de l'air vicié.

Partiellement réparé, le bloc serait rempli de moellons, la partie gauche, les ouvertures de la façade et le puits de la cloche LG (lance-grenades) servant de prise d'air frais. La partie droite et le puits de la cloche de guetteur, également garnis de moellons, seraient destinés à l'évacuation de l'air vicié et des fumées.

Le nouveau bloc serait alors construit à 50-60 m de distance du bloc primitif, dans le prolongement exact de la galerie souterraine de sorte que son blockhaus intérieur puisse également agir vers le pied du nouveau bloc. Il est aussi proposé de remplacer la cloche LG de l'ancien bloc par une tourelle de mortiers de 81 dans le nouveau bloc.

Tourelle de 75 et canons de 105

Mais ces premières propositions ne sont pas retenues et, en 1952, apparaît le projet extravagant de réparer intégralement le bloc 8 et de l'agrandir de plus de 50 % de sorte à y loger une tourelle à éclipse à deux canons de 75 modèle... 1905 ! [6]De même que la tourelle de 81, on ignore où cette tourelle aurait été prélevée mais on peut imaginer qu'il y avait le choix dans l'un des forts Séré de Rivières d'Epinal ou, plus probablement, de Toul. L'armement antichar n'est pas négligé pour autant mais compte tenu de l'évolution des blindages des chars depuis 1930-1940 et donc de l'obsolescence désormais des canons de 47 mm Mle 1934, c'est le canon de 105 mm qui est prévu contre une éventuelle attaque de blindés. Le bloc 8 devait même en comporter deux, l'un agissant vers la route d'accès, l'autre vers et en flanquement de l'entrée des munitions distante de 200 mètres.

Le bloc ne fonctionne plus en entrée des hommes mais à l'étage inférieur est prévue une issue de secours défendue par deux créneaux intérieurs. De l'ancien bloc sont seuls conservés la cloche lance-grenades et le monte-charge de 2,5 tonnes [7]Celui-ci toutefois, entièrement détruit par l'explosion du bloc et jugé irréparable (tête de pylône et cabine détruites, treuil, moteur, boîte télématique endommagés et immergés au fond du puits), devra être intégralement remplacé. Quant à la cloche LG, on sait que l'arme n'étant pas au point aucune d'entre elles n'était armée en 1940. Durant les années 1950-1960 des études étaient en cours pour mettre au point un lance-grenades de 60 mm sous cloche (LG de 60 mm CS Mle 1961).. En outre sont prévus au pied du bloc, se greffant sur la galerie, quatre grandes alvéoles et cinq plus petites devant servir de magasins à munitions et de logement supplémentaire pour le personnel du bloc. Un PC de commandement du bloc est également proposé dans le même secteur.

Un projet à peine moins grandiose voit le jour à peu près simultanément : la forme générale du bloc est différente, un seul canon de 105 y subsiste et la cloche LG est déplacée à l'aile sud. La proposition concernant la tourelle de 75 Mle 1905 est justifiée par l'augmentation de la puissance de feu de l'ouvrage qu'elle apporterait tout en assurant une défense efficace des entrées contre des attaques d'infanterie ennemies. Cette dernière proposition n'est cependant pas plus retenue que les premières, sans doute pour des raisons de coût.


Plans originaux : Jean-Bernard Wahl.
Infographie : Frédéric Lisch - 1998 - 2013.

Fortification Maginot d'après guerre

En 1953 on revient à proposer une réparation pure et simple du bloc primitif et à la double fonction d'entrée des hommes et de bloc-cheminée. Plusieurs projets voient le jour. Si la forme générale du bloc primitif est conservée, l'organisation intérieure est bouleversée. L'entrée en façade étant jugée trop vulnérable aux coups direct et aux effets de souffle, elle se fait maintenant en sous-sol par un escalier à l'emplacement de l'ancien fossé diamant [8]La même solution a été adoptée aux blocs 7 (entrée hommes Est) et 9 (entrée hommes Ouest) de l'ouvrage du Hochwald..

La cloche LG est conservée mais la cloche GFM, du fait de la surélévation de la dalle de toiture, est noyée dans le béton et seul son faîte affleure désormais. De cloche de guet et FM elle devient cloche observatoire périscopique ! Mais surtout la façade de l'ouvrage reçoit deux cloches supplémentaires, en l'occurrence des cloches GFM modèle 1934 (type B). Conséquence des leçons acquises en 1940 et de la vulnérabilité des cloches modèle 1929 (type A), trop saillantes sur les blocs et cibles toutes désignées des 37 Pak et 88 Flak allemands, les deux nouvelles cloches sont intégrées dans la façade et non plus en relief sur la dalle.

Du fait de l'entrée désormais inapparente, les habituels créneaux de défense disparaissent de la façade. La défense rapprochée de l'arrière du bloc est confiée aux deux nouvelles cloches. Vers l'avant, théoriquement cette mission est reléguée à la cloche observatoire et à la cloche lance-grenades (mais qui restera définitivement non équipée et donc non armée). Le bloc n'a donc plus aucune défense antichar.

Sur une variante de ce plan, l'escalier d'entrée est déplacé à l'extérieur de l'ex-fossé diamant tandis que la cloche LG émigre au centre du bloc. L'organisation intérieure des deux étages du bloc est également modifiée. A l'étage supérieur apparaît un curieux circuit de petits couloirs défendus par des créneaux intérieurs.


Plans originaux : Jean-Bernard Wahl.
Infographie : Frédéric Lisch - 1998 - 2013.

Le bloc 8 définitif

On s'achemine toutefois vers la structure définitive du bloc qui est adoptée à l'automne de 1954. L'escalier d'entrée reçoit une forme arrondie et le dessin de la façade est définitivement arrêté avec les deux cloches B installées " en tourelles " sur le front de gorge et en contrebas du sommet de la dalle de toiture. Les seules ouvertures qui demeurent visibles sur la façade sont les deux orifices des cheminées d'évacuation des fumées de l'usine et de l'air vicié. Ils sont fermés par deux fortes grilles successives et obstrués par un tampon de rocaille. L'air frais est aspiré à travers le matelas de rocaille entourant le bloc.

Le bloc 8 a été reconstruit en protection 3, comme à l'origine : dalle de 2,50 m, murs exposés de 2,75 , m. En 1951 déjà, le colonel Truc estimait que " en ce qui concerne le bloc d'entrée des hommes (bloc 8) de l'ouvrage de Schoenenbourg, comme aucune partie passive ou active de cet ouvrage n'est plus à l'épreuve des bombes modernes d'aviation lourde (6 t, 10 t et 20 t) il n'y a pas lieu de créer le nouveau bloc d'entrée prévu plus résistant que l'était le bloc démoli; on peut par contre lui donner un rôle actif dans la bataille en le munissant d'une tourelle....".


Plans originaux : Jean-Bernard Wahl.
Infographie : Frédéric Lisch - 1998 - 2013.

Visite du bloc 8 aujourd'hui

Une visite du bloc 8 actuel, parfois ouvert au public et en permanence accessible à l'extérieur, permet d'observer les modifications effectuées en 1953-1955. On peut tout d'abord remarquer l'aspect original de la façade, aux lignes bien différentes de celles de tous les ouvrages CORF "d'avant-guerre".

Empruntant l'escalier qui s'enfonce dans le sol au pied de la façade, on débouche dans un peu compréhensible labyrinthe de petits couloirs barrés par deux grilles. Un sas constitué de deux portes blindées... allemandes 434PO1 de récupération permet de passer à l'intérieur de l'étage inférieur du bloc. Sur la gauche s'ouvre une caponnière... sans créneau !

On traverse ensuite un local prévu comme chambre de repos pour l'équipage avant d'arriver au puits du monte-charge et de l'escalier. Vers le haut celui-ci permet d'atteindre l'étage supérieur qui comprend :

- le moteur et le treuil du monte-charge,
- deux grandes chambres, l'une pour les munitions des armes de cloches, l'autre pour la ventilation et les filtres,
- deux petits réduits, l'un pour les grenades, l'autre devant servir de "chambre" au chef de bloc,
- les puits des quatre cloches.

Dans le puits, à un niveau plus bas sous l'étage inférieur, s'amorcent deux conduits bétonnés, l'un pour les gaines d'aspiration de l'air frais à travers la rocaille entourant le bloc, l'autre pour celles d'évacuation des fumées de l'usine et de l'air vicié des arrières par les deux ouvertures en façade.

Vers le bas l'escalier donne accès, une vingtaine de mètres plus bas, à la galerie qui débute par un garage à voie de 60, un grand local pour les transformateurs moyenne tension (22 000 V) et un plus petit pour le tableau électrique du bloc. Après un sas fermé par deux portes étanches la galerie s'étend en direction de la caserne, de l'usine et du reste de l'ouvrage.

On peut donc considérer le bloc 8 du fort de Schoenenbourg dans sa forme actuelle comme l'ultime évolution de la fortification moderne en France. Si la Ligne Maginot dans son ensemble avait été construite ou reconstruite durant les années 1950, il est probable que les formes qui auraient été adoptées auraient été très proches de celles qui apparaissent sur le bloc 8.

J.B.W

 

Photos historiques et actuelles

 


Le bloc 8 après les bombardements de juin 1940. Une bombe d'avion a ouvert un profond   cratère à l'avant du bloc, soufflant la toiture du baraquement léger proche mais épargnant le bloc. Le capitaine Brice, chef du génie de l'ouvrage voisin du Hochwald, donne l'échelle de l'entonnoir (photo Albert Haas).



Août 1940, depuis le 1er juillet le bloc 8 est aux mains des Allemands. À l'exception de l'antenne radio, détériorée par le souffle de la bombe, le bloc apparaît absolument intact (coll. auteur).


 

1940-1941. Le terre-plein du bloc 8 a été remis en état par les Allemands. Le Schoenenbourg – comme le Hochwald voisin – va devenir pendant un temps un site de visites touristiques pour les officiers de la Wehrmacht et leurs alliés. À remarquer : la "traction" Citroën de prise de guerre ! (coll. auteur).


Cette photo permet également de noter le parfait état du bloc 8 et la fraîcheur des faux créneaux peints sur le haut de la façade (coll. auteur).

 En 1945, le bloc 8 tel qu'il apparaît après la guerre et tel que l'on laissé les Allemands après leurs destructions, non sans en avoir auparavant récupéré l'antenne TSF en cuivre ! La façade est éventrée et tout le bloc gravement fissuré (photo extraite du livre de Pierre Maine-Lombard "Ceux du béton").


Photo tirée d'un rapport du génie français rendant compte des premiers travaux de reprise en compte de l'ouvrage après la guerre. Faute de mieux et afin de sécuriser le site, vers 1947 le génie va se contenter d'évacuer les décombres et d'obturer par des murs en briques les ouvertures béantes laissées par les explosions (coll. auteur).


Entre 1952 et 1955 la reconstruction du bloc 8 bat son plein. Une faible partie seulement du bloc initial sera conservée et, après divers projets plus ou moins réalistes, un tout nouveau plan de construction sera adopté (coll. auteur).

 

La nouvelle entrée telle qu'on peut la voir aujourd'hui. En fait le bloc servira plus de prise d'air frais et d'évacuation des fumées et de l'air vicié que d'entrée du personnel.


Aspect général du bloc 8 de nos jours avec ses formes cassées et obliques, ses deux cloches intégrées dans la façade et son entrée en sous-sol quasiment invisible. Les deux seules ouvertures encore apparentes sont celles de l'échappement des fumées de l'usine électrique (photo Andreas Boy).

Visites du fort de Schoenenbourg
Le fort est situé à 50 km au nord de Strasbourg, entre Haguenau et Wissembourg, près du village du même nom, à 4 km au nord de Soultz-sous-Forêts (accès flèché à partir de Schoenenbourg village). Il est ouvert tous les jours d'avril à octobre.
www.lignemaginot.com

* Texte, plans et photos : tous droits strictement réservés.