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Les îles Anglo-Normandes et la guerre

 

Si les îles Anglo-Normandes sont restées en dehors des grandes batailles qui ont ravagé la Normandie et la Bretagne à partir du 6 juin 1944, il serait inexact de croire que les Allemands, solidement retranchés derrière les puissantes fortifications des trois îles principales de l'archipel, sont restés les bras croisés et ont tranquillement attendu la fin de la guerre sans tirer un seul coup de feu !

Les innombrables évènements survenus dans les îles et aux alentours entre 1940 et 1945 et ayant impliqué ou non la fortification ayant déjà été largement évoqués par divers auteurs, généralement autochtones, nous nous bornerons à rappeler ici que les batteries d'artillerie côtières et les batteries de Flak sont fréquemment entrées en action et souvent avec succès, principalement durant la période qui a précédé et suivi le débarquement du 6 juin 1944 #7D. Kreckeler – German coastal artillery on the Channel Islands in action, May-August 1944. CIOS Review, 1984. .

En mai 1944, une patrouille de quatre avisos alliés fut prise à partie à la fois par les batteries d'Aurigny (Elsass, Annes et Blücher) et d'Auderville-Laye (Cotentin). deux des avisos entrèrent en collision et la patrouille dut s'éloigner rapidement.

En juin 1944, des destroyers alliés ont été pris sous le feu des batteries Annes et Blücher d'Aurigny, et Steinbruch de Guernesey, et durent battre en retraite.

Le 25 juin 1944, la batterie Dollmann de Guernesey et plusieurs batteries d'Aurigny entrèrent en action contre des navires alliés croisant dans les parages des îles.

Fin juin, une formation de six destroyers fut prise sous le feu de la batterie Steinbruch (Guernesey) avant de prendre le large, tandis que la batterie Blücher (Aurigny) harcelait la côte française dans le secteur du Nez de Jobourg, alors déjà libéré par les forces US, en protection de convois allemands.

Début juillet 1944, des chasseurs de sous-marins britanniques, entrés dans le rayon d'action des batteries d'Aurigny et Guernesey, subirent pertes humaines et dégâts matériels.

Le 19 juillet, les batteries d'Aurigny (Annes et Blücher) coulèrent un remorqueur US faisant partie d'un convoi en route pour Cherbourg. Le 29 juillet c'est un groupe d'escorte qui subit le feu de ces mêmes batteries.

On a pu lire précédemment dans le texte, toujours en juillet 1944, les tirs de la batterie Blücher sur le cap de la Hague et la réplique du croiseur Rodney.

Le 12 août, un navire US fut harcelé par les batteries de Jersey, puis de nouveau durant la nuit des 13-14 août (batteries Moltke et Roon). Jusqu'au 17 août, des bâtiments britanniques furent aussi canonnés par Aurigny et Guernesey.

Le 19 août, l'action d'un destroyer britannique contre un convoi allemand entre Guernesey et Jersey provoqua la réaction des batteries Hindenburg, Ludendorf, Moltke et Roon (Jersey), Strassburg et Mirus (Guernesey). Le destroyer dut s'éloigner, non sans avoir atteint le convoi allemand.

Au cours de la nuit du 21 août, une patrouille de quatre vedettes lance-torpilles US subit des tirs de Guernesey avec quelques faibles dégâts. Le 22, le bâtiment US qui avait déjà été pris à partie les 12, 13 et 14 fut à nouveau la cible des batteries de Guernesey, ainsi que le 25 lors d'une opération de sauvetage de l'équipage d'un B-26 tombé en mer après avoir essuyé le feu de la Flak de l'île.

Comme on a pu le lire dans le chapitre Guernesey, la batterie Mirus n'était pas en reste dans ce concert et a effectué de nombreux tirs entre 1943 et le début de 1945. Son rayon d'action de plus de 30 km autour de Guernesey et ses redoutables projectiles de 305 mm ont maintes fois dissuadé les bâtiments alliés de s'approcher de l'île #8De leur côté, les bâtiments alliés n'avaient pas l'autorisation, en raison de la présence de la population civile à Jersey et Guernesey, d'ouvrir le feu en riposte aux tirs des batteries allemandes..

La Flak, de son côté, était loin d'être inactive et toucha ou même abattit un nombre considérable d'appareils alliés imprudemment aventurés au-dessus de l'archipel. Il a ainsi pu être établi #9J. Goodwin – Channel Islands air losses. CIOS Review, 1974. que quantité de Hurricane, Spitfire, Whirlwind, Mustang, Typhoon, Thunderbolt P-47, Lightning P-38, Hellcat, Marauder B-26, Liberator B-24, Forteresse B-17, Dakota C-47, etc... et même des appareils allemands visés par erreur, ont été abattus ou endommagés dans ces parages entre 1941 et 1945.

Totalement isolées du continent, à l'exception d'un pont aérien durant l'hiver #10J. M. Ginns – A bridge over the enemy. CIOS Review, 1984. 1944-1945, après la prise par les forces anglo-américaines des ports de Cherbourg, St-Malo et Brest, les îles Anglo-Normandes et leurs batteries allaient connaître une période plus calme jusqu'à la reddition de leurs garnisons en mai 1945. Le centre de gravité des opérations militaires s'étend déplacé vers le centre de l'Europe elles ne constituaient plus, en effet, ni une menace ni même une gêne pour les forces alliées, aussi celles-ci abandonnèrent-elles les îles à leur sort. Le front s'éloigna peu à peu des côtes du golfe de St-Malo et le calme revint dans le secteur.

Ce qui n'empêcha pas les Allemands de prendre des initiatives et d'effectuer deux raids :

- l'un en mars 1945 sur le port de Granville en vue de s'emparer et de ramener cargos et approvisionnements en raison du sévère rationnement instauré dans les îles coupées du continent depuis août 1944 #11Marg. Ginns – British and American P.O.W's in Jersey. CIOS Review, 1983. ,

- l'autre en avril 1945 pour une opération de commando et de sabotage des voies ferrées dans la région de Cherbourg #12B. Westhoff – Eyewitness Report – The German commando raid on the Cotentin Peninsula in April 1945. CIOS Review, 1986.. Si la première réussit partiellement, la seconde échoua totalement.

Il y a également lieu de rappeler ici les opérations, particulièrement audacieuses, d'aide à la garnison assiégée de l'île de Cézembre, au large de St-Malo. Après la libération de cette ville par les forces US en août 1944, la garnison de Cézembre, retranchée sur un îlot très solidement fortifié et puissamment armé, refusa à plusieurs reprises de se rendre et continua le combat jusqu'à épuisement de ses moyens. Très sévèrement bombardée par les forces US et françaises, la garnison de Cézembre résista pendant deux semaines encore, période au cours de laquelle plusieurs opérations de ravitaillement en vivres et en munitions à partir de Jersey, et d'évacuation des blessés, réussirent à soulager quelque peu son intenable situation. Ecrasée sous les bombardements, Cézembre cessa le combat le 2 septembre 1944, soit 16 jours après St-Malo.

Le 9 mai 1945, les forces de la Wehrmacht dans les îles Anglo-Normandes, soit quelques 28 000 hommes, signaient leur reddition, laissant intacts ouvrages de fortification, armements et munitions.

 Aurigny 31

 


Sources, bibliographie, documentation

- Voyages personnels dans les îles Anglo-Normandes.
- Documentation CIOS mise à disposition.
- CIOS – Channel Islands Occupation Review. No. 1, 1973, à No. 48, 2020.
- CIOS – Jersey's German Bunkers. Archive Book No. 9, 1999.
- Colin Partridge – Hitler's Atlantic Wall. D.I. Publications, 1976.
- Colin Partridge, John Wallbridge – Mirus, The Making of a Battery. Ampersand Press, 1983.
- Colin Partridge, Trevor Davenport – The Fortifications of Alderney. Alderney Publishers, 1993.
- Trevor Davenport – Festung Alderney. The German Defences of Alderney. Barnes Publ., 2003.
- Ernie Gavey – A guide to German Fortifications in Guernsey. Guernsey Armories, 1997.
- Michael Ginns, Peter Bryans – German Fortifications in Jersey, Meadowbank, 1978.
- Michael Ginns – A Guide to Alderney's Fortifcations. The Alderney Society & Museum, 1981.
- Michael Ginns – German Tunnels in the Channel Islands. CIOS Archive Book No. 7, 1993.
- Michael Ginns – The Organisation Todt and the Fortress Engineers in the Channel Islands. CIOS Archive Book No. 8, 1994.
- T.X.H. Pantcheff – Alderney Fortress Island. The Germans in Alderney, 1940-1945. Phillimore, 1981,1987.
- Rudi Rolf – Regelbauten. Typologie du Mur de l'Atlantique. AMA, 1988, Fortress Books, 1998, PRAK, 2015.
- Google Earth.

 

Le Rapport " Festung Guernsey ".

En 1944 un groupe de gradés en garnison à Guernesey a rédigé un extraordinaire rapport exposant les travaux de fortification allemands sur l'île de Guernesey. Edité en novembre 1944, alors que la Normandie était libérée et que la guerre s'éloignait des îles Anglo-Normandes abandonnées à leur sort, ce document unique (on aurait aimé en retrouver de semblables partout ailleurs sur le Mur de l'Atlantique...) retraçait en deux et quatre volumes de 500 pages et 22 chapitres tout ce que l'armée allemande avait incrusté dans le sol de Guernesey depuis 1941 #13Directive de Hitler du 20 octobre 1941 ordonnant de convertir les îles en d'imprenables forteresses. pour la défense de l'île #14Etabli par Pierre Renier, le sommaire détaillé de ce rapport, peut être trouvé dans les nos. 20, 22 et 24 de la CIOS Review..

Deux exemplaires seulement de ce travail semblent avoir été réalisés #15Des spécialistes locaux n'excluent pas que d'autres exemplaires, inconnus à ce jour, aient également pu être réalisés. L'exemplaire conservé par la Priaux Library est en quatre volumes, celui de la Royal Court Library en deux gros volumes. En outre, des cahiers absents dans ces deux exemplaires ont été retrouvés en 1994 dans les fonds du Guernsey Museums Service. et ils sont toujours conservés à Guernesey. N'ayant pas été constitués simultanément, si les textes sont identiques ils ne sont pas exactement semblables quand à l'iconographie et se complètent parfois l'un l'autre.

La masse de renseignements apportés, non seulement sur Guernesey mais aussi concernant Jersey et Aurigny, et d'illustrations (plans, cartes, dessins, photos, etc.) est tout à fait considérable et aurait de quoi satisfaire amplement tout chercheur. En outre, compte tenu de la qualité des illustrations il s'agit aussi d'un véritable travail d'artistes.

Les originaux peuvent être consultés à St Peter Port mais en 2013-2014 une maison d'édition en a réalisé une copie en deux volumes, très vite épuisée, puis une autre en dix fascicules plus sommaires et, sauf exception, toujours disponibles.

Il existerait aussi un " Festung Jersey ".

Remerciements

CIOS (Channel Islands Occupation Society), Roger Azambre (†), Tom Brossman, Matthew Costard, Michael Ginns (†), Richard Heaume, Damien Horn, Colin Partridge, Priaux Library, Daniel Schellenberger, Société Jersiaise, Ken Tough, Michel Truttmann, La Valette Underground Military Museum.

 

 

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