On ne passe pas !
Les défenses du détroit de Gibraltar
Le mythique détroit de Gibraltar a toujours fait fantasmer les militaires. Tenir cet étroit passage maritime de 15 kilomètres entre l'Europe et l'Afrique du Nord revenait à permettre ou interdire, selon les circonstances, l'accès à la Méditerranée, au canal de Suez et à la mer Noire dans un sens, à l'Atlantique dans l'autre.
Les premiers concernés étaient évidemment les Britanniques qui occupent depuis 1704 le rocher de Gibraltar et les Espagnols pour l'ensemble des côtes sud de l'Andalousie et leurs possessions sur la côte nord du Maroc.
En réalité le détroit de Gibraltar et tout spécialement le fameux rocher ont constitué depuis la haute antiquité un lieu hors du commun. En approchant par la mer ou par la côte espagnole méditerranéenne on voit brusquement, comme surgi des flots, se dresser à l'horizon la masse verticale du célèbre rocher. Les Anciens, eux, voguant d'est en ouest et apercevant soudain les masses effrayantes du rocher de Gibraltar d'un côté du détroit, du Djebel Ceuta de l'autre, les nommèrent les Colonnes d'Hercule et, pendant longtemps, se gardèrent bien d'aller au-delà.
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Le rocher
Aujourd'hui encore, en abordant le site par quelque côté que ce soit, terrestre, maritime ou aérien, on est frappé par la grandeur et la surprenante beauté des lieux. En se rapprochant par la terre, après avoir traversé la dernière ville espagnole de La Linea puis l'isthme absolument plat séparant l'Espagne du territoire britannique, on est soudain face à face avec le monolithe de calcaire qu'est le " Rock " et ses vertigineuses falaises blanches.
Mais Gibraltar n'est pas qu'un rocher. C'est aussi une histoire vieille de plusieurs siècles et c'est aussi et surtout une incomparable, une imprenable forteresse.
- Un peu d'histoire
Au VIIIe siècle les Maures envahissent la péninsule ibérique. Un de leurs chefs, Tariq ibn Ziyad, attaque et prend possession du Rocher qui prend le nom de Djebel al Tariq (Mont de Tariq) devenu plus tard Gibraltar. Reconquis puis perdu par les Castillans, le Rocher ne devient définitivement espagnol qu'en 1462. Conquis ensuite par une flotte anglo-hollandaise en 1704, Gibraltar devient alors une garnison britannique, déclarée colonie en 1830. L'Espagne n'a jamais accepté la perte du Rocher et en a fait le siège en 1727 et de 1779 à 1783. Sans succès. Plus récemment, des fermetures de la frontière et un blocus économique en 1969 et 1985 ont été, en dates, les dernières manifestations espagnoles de mauvaise humeur à l'encontre de la mainmise britannique sur Gibraltar.
- Le site
C'est une péninsule allongée de 6,5 kilomètres carrés qui n'excède guère 5 kilomètres du nord au sud et 1,5 km en moyenne de largeur. Elle est en majeure partie constituée par le fameux rocher qui s'élève jusqu'à 450 mètres au-dessus du niveau de la mer. La particularité de ce rocher fait qu'il est l'unique montagne à des kilomètres à la ronde et que, entouré d'eau de toutes parts, il semble véritablement surgi des flots.
La façade ouest du Rocher est en forte pente et, plongeant dans le golfe d'Algésiras, laisse peu d'espace à la ville de Gibraltar établie à son pied. Aussi une bonne partie de la cité actuelle a-t-elle été gagnée sur la mer. La pointe sud de la péninsule est étagée sur deux plateaux limités par de hautes falaises.
Quant à la façade est, ce n'est qu'une suite de formidables parois verticales qui tombent à-pic dans la Méditerranée. Une partie de ce versant a pu être bétonnée sur de vastes surfaces afin de recueillir l'eau de pluie, Gibraltar manquant presque totalement d'eau douce.
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- Intérêt stratégique
Outre l'avantage de pouvoir contrôler de là le trafic maritime dans le détroit, tenir Gibraltar revient aussi à posséder une base de premier ordre bénéficiant d'une situation unique au sud de l'Europe et à la jointure des deux mers. Déjà importants dans le passé, ces avantages se sont révélés essentiels pendant la Seconde Guerre mondiale au grand dam des Allemands et des Italiens qui se voyaient interdire le passage de la Méditerranée à l'Atlantique et inversement. En particulier, Gibraltar a constitué une magnifique base d'appui lors des opérations alliées de débarquement en Afrique du Nord – opération Torch – en Italie et dans le sud de la France.
Permettant le contrôle des mouvements de la flotte soviétique entre la mer Noire et l'Atlantique sa valeur stratégique ne s'est pas départie durant toute la période de la Guerre froide (1947-1990).
C'est donc une solide base terrestre, navale et aérienne dont on peut aujourd'hui encore observer les installations souterraines, navales et aéroportuaires qui ont joué un si grand rôle en 1939-1945. A remarquer entre autres la piste de l'aérodrome établie sur l'isthme reliant le Rocher au territoire espagnol et franchie à angle droit par la seule route d'accès à Gibraltar.
- Les défenses de Gibraltar
Dire que Gibraltar a été de tout temps une véritable forteresse est un pléonasme. Mais cette expression n'a jamais été aussi vraie que durant les années 1940 lorsque le Rocher concentrait sur ses pentes et sa crête une formidable addition de batteries à longue et moyenne portées ainsi que de pièces et de batteries antiaériennes sans nombre. Qu'on en juge : vers la fin de la guerre, en 1944-1945, le Rocher était défendu par
8 pièces de 9,2 pouces (233 mm),
2 pièces de 9,2 pouces (obusiers de 233 mm),
8 pièces de 6 pouces (152 mm),
5 pièces de 4 pouces (102 mm),
4 pièces de 3 pouces (76 mm),
28 pièces AA de 3,7 pouces (94 mm),
40 pièces AA de 40 mm Bofors,
24 pièces AA de 20 mm Oerlikon,
auxquelles s'ajoutaient des dizaines de pièces fixes plus légères, généralement en jumelages, et de pièces mobiles de moyen et petit calibre, le plus souvent abritées dans des niches ou des entrées de galerie du Rocher. Après la guerre ont encore été installées les quatre pièces AA de 5,25 pouces (133 mm) de la batterie Princess Anne. Une petite partie de ces matériels demeure toujours en place. On le verra ci-après.
- Tunnels, galeries et installations souterraines
Constituant une forteresse naturelle de premier ordre, le rocher lui-même, ses pentes abruptes et ses falaises ont été utilisés dès le XVIIIe siècle pour assurer la défense de la presqu'île. Durant le fameux Grand Siège de 1779 à 1783 soumis par les troupes espagnoles, la garnison britannique perça dans le roc à bonne hauteur un ensemble de galeries garnies de meurtrières dirigées vers le territoire espagnol. Ces souterrains se visitent aujourd'hui. Mais c'est surtout à partir de 1880 et jusqu'en 1915 qu'a été entreprise une nouvelle phase de percement de magasins, de réservoirs d'eau et de galeries de communication.
Plus tard, de 1933 à 1945 une seconde période de creusement a permis de réaliser d'importants abris antiaériens, de vastes aires de stockage, des hôpitaux souterrains, des dépôts de vivres et de munitions, reliés par des kilomètres de galeries et de tunnels. Lors de la préparation de l'opération Torch – le débarquement allié en Afrique du Nord en 1942 – ces installations souterraines ont permis de concentrer en toute sécurité des milliers de véhicules et d'engins, d'incroyables quantités d'armements, de munitions, d'équipements, de matériels et de vivres.
Enfin, durant la période 1946-1968, de nouvelles galeries de communication entre différents réseaux ont été percées ainsi que de nouvelles alvéoles de stockage et des réservoirs d'eau et de carburant. Au stade définitif on estime que le développement total de ces tunnels et installations souterraines est compris entre 40 et 50 kilomètres !
En surface cet immense réseau se traduit par la présence d'innombrables entrées à différentes altitudes, sur toutes les faces du Rocher, et par une multitude d'embrasures et autres ouvertures dans les falaises. Accessoirement, à ces souterrains forés dans le calcaire il faut ajouter plusieurs grottes naturelles, certaines constellées de stalagmites et stalactites, une partie d'entre elles ayant été découvertes lors du percement des galeries.
- Le Rocher en guerre
De 1939 à 1945, outre l'aménagement de son aérodrome, le renforcement constant de la défense terrestre et antiaérienne et l'extension des installations souterraines, le Rock a connu plusieurs évènements majeurs : les attaques sous-marines italiennes de 1941 à 1943, l'opération Torch en novembre 1942 et la mort accidentelle (?) du général Sikorski en 1943.
Le 8 novembre 1942, les forces anglo-américaines débarquent en Algérie et au Maroc, en particulier à Alger, Oran et Casablanca. C'est l'opération Torch. Sa réussite marque un tournant dans la guerre, toutes les actions jusqu'alors s'étant déroulées au bénéfice de l'axe germano-italo-japonais. Ce succès de Torch est dû en grande partie à la position géographique de Gibraltar, escale et base navale et aérienne essentielles entre l'Angleterre et l'Afrique du Nord. Des centaines d'avions de tous types atterrissent et stationnent sur son aérodrome, des milliers d'hommes, de canons et de véhicules, des centaines de tonnes de munitions, de vivres, etc. s'entassent dans les immenses alvéoles souterraines du Rocher en attendant le jour J. Le général Eisenhower lui-même, commandant en chef de l'opération, et son staff s'y abritent pendant un temps, établissant leur QG au cœur de la montagne. Le bureau souterrain, restauré, du général existe toujours.
Gibraltar est aussi le théâtre de fréquentes attaques sous-marines italiennes en 1941, 1942 et 1943. La Méditerranée est en effet la chasse gardée de la marine italienne, tout au moins jusqu'à ce que le pays signe un armistice avec les Alliés à la fin de 1943. Les innombrables bâtiments de guerre de la Royal Navy et navires marchands faisant escale à Gibraltar sont donc une proie tentante pour les Italiens. Avec la complicité des Espagnols, ceux-ci entreprennent une série d'attaques sous-marines contre les navires alliés amarrés dans le port de Gibraltar ou ancrés dans la baie d'Algésiras. Près d'une dizaine d'actions, à l'aide de torpilles humaines ou par des plongeurs équipés de charges explosives, vont parvenir à endommager une dizaine de cargos et tankers, et même à en couler trois, non sans de lourdes pertes humaines pour les Italiens.
Les Allemands de leur côté avaient bien un plan pour s'emparer du Rocher – le plan Félix – mais faute de coopération décisive de la part de l'Espagne de Franco il ne fut jamais mis à exécution.
L'évènement le plus dramatique de la guerre survenu à Gibraltar est le crash de l'appareil ramenant en Angleterre le général Sikorski, chef du gouvernement polonais en exil à Londres. Le 4 juillet 1943, au terme d'une visite de 36 heures, le général et son état-major remontent dans leur avion, un quadrimoteur B24 Liberator Mk II de la RAF. A peine celui-ci a-t-il quitté la piste d'envol qu'il s'écrase en mer à 1 km de la côte. Á l'exception du pilote, grièvement blessé, aucun des 17 occupants de l'appareil ne survit à l'accident. Sabotage, défaillance mécanique ou erreur humaine, le doute sur la cause de l'accident subsiste encore aujourd'hui.
- Que voir de nos jours ?
Sans entrer dans le détail du caractère éminemment touristique de Gibraltar à l'heure actuelle, évoquons simplement ici à l'intention de l'amateur de fortifications et d'artillerie ce qu'il reste à voir de la "forteresse Gibraltar".
Canons de 233 mm
Des 10 pièces de 233 mm qui existaient pendant la guerre, trois seulement ont survécu : les batteries O'Hara, Lord Airey et Breakneck. Elles sont toutes trois hautes perchées sur la crête même du rocher, à environ 400 mètres d'altitude. La batterie O'Hara, la plus au sud et récemment restaurée, est la mieux préservée. On peut y admirer les installations de service souterraines (salle des machines, galerie de communication, soutes à munitions) et la "tourelle" elle-même, canon et son masque au complet.
La pièce de la batterie Lord Airey est en moins bon état et la batterie Breakneck, d'accès difficile et en terrain militaire, n'a pu être vue. Entre les deux premières batteries subsiste un tube de rechange. On peut aussi jeter un coup d'œil, en contrebas de O'Hara, au superbe emplacement, hélas vide, de la pièce de la Spur Battery (1903).
Canons de 152 mm
Plus au nord et à mi-pente demeurent les deux canons de 152 mm de la Devil's Gap Battery qui date de 1902. Ce site est ouvert au public en permanence.
Canons de 133 mm
Enfin, tout au nord du Rocher, accrochée à mi-pente au-dessus d'un pan de falaise, la Princess Anne's Battery date de l'après-guerre et possède quatre belles pièces de 133 mm à usage mixte, marin et antiaérien. Ce site est accessible en permanence.
Plus ancien
Pour ceux qui s'intéressent aux matériels plus anciens, il ne faut pas manquer de visiter le 100-Ton-Gun de la batterie Napier à Rosia Bay, une énorme pièce Armstrong de 17,7 pouces (450 mm) datant de 1882, ainsi que le fort voisin de Parson's Lodge Battery et son armement.
Souterrains
Quant aux tunnels, à l'exception de ceux du Grand Siège ils ne sont ouverts au public que sur rendez-vous auprès de l'Office du Tourisme. La visite de la Great North Road (la Grande Route du Nord), une longue avenue de plus d'un kilomètre d'étendue, assez vaste pour y permettre la circulation de camions, entrecoupée d'immenses cavernes-alvéoles susceptibles d'abriter chacune des centaines de véhicules, donne une assez bonne idée du réseau souterrain de Gibraltar.
On y trouve aussi des systèmes de ventilation, des cuisines, des hôpitaux, etc. Dans le secteur nord existe enfin une énorme caverne occupée par quatre groupes électrogènes géants. Percée en 1943-1944 pour servir de magasin à vivres, installée en centrale électrique de 1949 à 1952 et opérationnelle de 1955 à 1970, cette installation est restée désaffectée ensuite et au moins jusqu'en 2002. Elle a probablement été ferraillée depuis.
- Quel avenir pour Gibraltar ?
Toujours revendiqué par l'Espagne, bizarrerie géo-stratégique en ce 21e siècle, Gibraltar est et restera longtemps encore possession britannique. Si ce site extraordinaire joue maintenant à fond la carte du tourisme, si les conflits intra-méditerranéens appartiennent – pour le moment – au passé, nul ne peut affirmer que Gibraltar ne réactivera pas un jour son rôle de base militaire de premier rang entre l'Europe, l'Afrique et le proche-Orient. Wait and see...
Les défenses côtières espagnoles
De part et d'autre du Rocher les rivages espagnols n'étaient pas en reste pour ce qui est de la défense côtière et de celle du détroit. Déjà durant la guerre civile de 1936 à 1939 un certain nombre de batteries côtières et antiaériennes sont établies dans la région d'Algésiras mais c'est surtout dans les années 1940, principalement de 1940 à 1945, qu'un effort considérable de renforcement des défenses côtières est accompli. L'Espagne redoute en effet à cette époque une action des Britanniques, voire des Français établis alors dans le protectorat du Maroc. Les Espagnols avaient en effet sur la côte nord-marocaine un territoire à eux : le Rif espagnol, avec les possessions de Melilla et Ceuta, elles-mêmes dotées de défenses comme on le verra plus loin.
L'acquisition de canons en pleine guerre mondiale – l'Espagne étant non belligérante – s'avérant délicate, ce sont d'anciens cuirassés et croiseurs espagnols du début du siècle qui vont les fournir. On trouvera donc surtout des installations côtières avec des calibres de 152 et 305 mm, mais aussi des pièces de 120, 240, 260 mm, etc. En 1945, avant et après la fin de la guerre, de nouvelles batteries de 305 et 381 mm seront mises en œuvre.
A cette époque, sur un front côtier de 48 kilomètres de part et d'autre de Gibraltar mais essentiellement à l'ouest, on dénombrait quelques 17 batteries fixes, soit :
une batterie de 4 x 120 mm Vickers,
une batterie à 4 x 150 mm Ordoñez,
six batteries de 2, 3 ou 4 x 152 mm Vickers, au total 19 pièces, parfois jumelées,
deux batteries de 4 x 240 mm, obusiers Ordoñez,
une batterie à 2 x 260 mm Krupp,
quatre batteries de 2, 3 ou 4 x 305 mm Vickers ou Krupp, au total 11 pièces, certaines jumelées,
une batterie de 3 x 381 mm Vickers.
Avec deux batteries plus petites, l'une à deux pièces Nordenfelt de 57 mm, l'autre à 4 x 76 mm
Armstrong et Nordenfelt c'est un total de 66 pièces qui défendaient ces parages.
En outre, sur la côte marocaine, dans la région de Ceuta (à l'est de Tanger), une bonne quinzaine de batteries défendaient l'accès à ce territoire espagnol. Installées durant la période des années 1930 à 1945 elles comprenaient des pièces de 150, 152, 240, 260 et 305 mm, souvent anciennes (fin 19e siècle, début 20e) à l'exception des 152 Vickers de 1923. Les plus puissantes pouvaient évidemment croiser leurs feux avec les batteries de la pointe sud de l'Espagne de l'autre côté du détroit.
A l'exception des batteries antiaériennes qui ont fréquemment ouvert le feu à la moindre intrusion aérienne alliée, les batteries côtières espagnoles n'ont guère eu l'occasion de vraiment entrer en action. Il est probable qu'une partie d'entre elles – qui existaient encore au début des années 2000 – a été ferraillée depuis et, sauf exception, n'existe plus aujourd'hui. Il semblerait toutefois que, de part et d'autre de Tarifa, subsistent tant bien que mal quelques pièces doubles de 152 et 305, et même trois canons de 381 mm !
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Photos
Gibraltar de 1941 à 1944
Perchée à plus de 400 mètres d'altitude sur la crête de la partie nord du rocher de Gibraltar, une pièce de 40 mm Bofors en cuve et ses servants participe à la défense antiaérienne. Octobre 1943 (IWM – GM3941).
En novembre 1941 travaux d'agrandissement et d'amélioration de la piste de l'aérodrome, lien essentiel avec l'extérieur, au pied de la face nord du Rocher (Imperial War Museums – GM121).
Octobre 1942, peu avant l'opération Torch, un B17 américain s'apprête à décoller pour effectuer un vol de reconnaissance au-dessus de l'Afrique du Nord (IWM – GM1849).
A peu près le même angle de vue que précédemment, de nos jours, depuis le territoire espagnol. Le grillage au 1er plan marque la frontière. Entre les bâtiments et le rocher s'étend la piste de l'aérodrome.
1941. Les travaux de renforcement battent leur plein. L'extension des installations souterraines est la priorité (IWM – GM53).
1941. Les hommes du génie britannique, les Royal Engineers, s'emploient ici à l'agrandissement d'une vaste caverne au cœur du Rocher (IWM – GM63).
1941. La défense antiaérienne a été renforcée depuis le début de la guerre. Un 40 mm Bofors est ici en batterie face à la baie d'Algésiras. A la fin de la guerre 40 pièces de ce seul modèle défendaient le ciel de Gibraltar. Faute de place dans le port, de nombreux navires alliés sont ancrés dans la baie. Proies tentantes que ne manqueront pas d'exploiter les "torpilles humaines" italiennes (IWM – GM88).
Octobre 1941. Sur l'un des points les plus élevés de la crête a été installé ce poste d'observation et de direction du tir antiaérien. Au fond, la ville espagnole de La Linea (IWM – GM13).
Novembre 1941. Une pièce mobile de 3,7 pouces (94 mm) est en position sur la côte orientale de la péninsule. Le "3.7-inch" était un peu l'équivalent du 8,8 cm Flak allemand (IWM – GM93).
Gibraltar, c'est avant tout un rocher sans eau. Pour y pallier, de vastes surfaces bétonnées recueillent sur le flanc est l'eau de pluie dispensée par les nuages de l'Atlantique proche. Cette eau est ensuite drainée vers d'immenses réservoirs souterrains (IWM – GM11).
Fin 1941. Une autre pièce de 40 mm Bofors en batterie sur la rive est (IWM – GM84).
1942. A l'aplomb du port, une pièce de 6 pouces (152 mm) de la batterie Tovey est pointée sur la baie d'Algésiras (IWM – GM266).
Un projecteur sur chenilles est extrait de sa niche souterraine. Octobre 1943 (IWM – GM3912).
En mai 1942, un vice-amiral et un général de brigade en discussion auprès d'une pièce antiaérienne de 3 pouces (76 mm) installée sur la crête du Rocher (IWM GM853).
Dans la nuit du 20 novembre 1942, une alerte aérienne parmi d'autres, probablement d'origine italienne, déclenche un feu d'enfer de toutes les pièces de DCA (IWM – GM1852).
Les matériels d'action lointaine les plus lourds à Gibraltar pendant la guerre consistent en huit pièces de 9,2 pouces (233 mm). Ici, en janvier 1942, la pièce de la Breakneck Battery, installée sur la crête du massif, est prête à entrer en action. Trois de ces canons, dont celui-ci, survivent aujourd'hui (IWM – GM278).
En janvier 1942, le tube de rechange d'un canon de "9.2-inch" est hissé jusqu'au niveau des batteries O'Hara et Lord Airey, sur la crête, à l'aide de palans et de moufles. Les ancrages de ces moufles dans le rocher sont toujours visibles de nos jours en bordure de la petite route d'accès à la crête et le tube de rechange est encore aujourd'hui à sa place à proximité de O'Hara (IWM – GM292).
Le poste central de commandement artillerie dans le Rocher en octobre 1943 (IWM – GM3917).
A côté de la puissante défense antiaérienne et côtière, la défense rapprochée n'est pas négligée pour autant. Les falaises du Rocher sont truffées d'embrasures pour mitrailleuses et FM tandis qu'à leur pied se terre une multitude de "pillboxes" (blockhaus). Ici en avril 1942, un poste de tir abrite une mitrailleuse Vickers Mk I refroidie par eau (IWM – GM428).
La vie au cœur de la forteresse
Octobre 1943. Un NCO (non-commissioned officer, sous officier) donne ses instructions à une patrouille qui s'apprête à parcourir une partie du réseau de galeries (IWM – GM3924).
Au cœur de la forteresse, un PC secondaire commande un secteur limité (IWM – GM424).
Patrouille en progression entre deux niveaux du labyrinthe souterrain. Avril 1942 (IWM – GM419).
La largeur des galeries y permet la circulation de gros véhicules de liaison et de transport. La ventilation dans ces vastes couloirs s'effectue naturellement mais de puissantes batteries de ventilateurs y contribuent par endroits (IWM – GM3911).
En 1942, en prévision des opérations alliées en Méditerranée des milliers d'hommes sont rassemblés à Gibraltar et logés, bien à l'abri, dans les vastes cavernes taillées dans le Rocher (IWM – GM272).
Dans d'autres cavités s'accumulent des montagnes de vivres de toute nature (IWM – GM1788).
L'un des ateliers souterrains des Royal Engineers (génie) en octobre 1942 (IWM – GM1793).
Les personnels sont souvent logés dans des baraquements Nissen en tôle ondulée encastrés dans les cavernes du Rocher (IWM – GM1799).
En octobre 1942, peu avant l'opération Torch, des dizaines de Spitfire sont parqués tant bien que mal au pied nord du Rocher (IWM – GM1803).
En octobre 1943, le commandant en chef de Gibraltar, le Lt.General Sir F.Noel Mason-MacFarlane reçoit le Résident général français au Maroc, M. Puaux, auquel il vient de faire visiter une partie des installations souterraines (IWM – GM3933).
Sur le plateau à la pointe sud de la péninsule, manœuvres autour d'une pièce fixe antiaérienne de 3,7 pouces (94 mm) en novembre 1944 (IWM – GM4392).
Gibraltar de nos jours
Trois pièces de 9,2 pouces MkX (233 mm) subsistent sur la crête du Rocher. On en voit ici celle de la Lord Airey's Battery. Après la guerre ces canons ont été mis sous masque et protection légère.
Le même type de canon de la batterie O'Hara, la plus au sud des trois de la crête. Elle a été restaurée et, sur demande, peut être visitée. On en voit ici le poste de pointage sous son masque avec la culasse au 1er plan.
Egalement restaurées, les installations de service souterraines de la batterie O'Hara dont cette belle salle des machines, une galerie de communication et les soutes à munitions.
Dominant la pointe sud de la péninsule, la belle plate-forme de la Spur Battery demeure malheureusement vide. Pendant la guerre elle possédait une pièce de 233 mm.
La batterie plus ancienne (1902) de Devil's Gap possède toujours ses deux pièces de 152 mm.
Tout au nord du Rocher, surplombant l'actuel aéroport et le tout proche territoire espagnol, la Princess Anne's Battery a été installée après guerre sur l'emplacement d'une batterie de 40 mm Bofors. Elle possède quatre belles pièces de 5,25-inch (133 mm).
Malgré sa façade abrupte et peu accessible, le versant méditerranéen du Rocher a été pourvu de proche en proche de blockhaus perchés au-dessus du rivage.
De nombreux accès au système souterrain du Rocher s'ouvrent un peu partout et à différentes altitudes.
Deux vues de la Great North Road, l'une des grandes artères souterraines au coeur du Rocher.
Jusqu'au début des années 2000 ont subsisté dans une immense caverne des années 1940 quatre groupes électrogènes géants, opérationnels jusqu'en 1970.
Le plus gros canon demeurant visible à Gibraltar est cette antique pièces de 17,7-in (450 mm) datant de 1872, le 100-Ton Gun.
Batteries espagnoles
Trois vues sous différents angles de l'une des trois pièces de 305 de la batterie 17 Guadiaro (désignée après guerre D-17). Sous la dalle de béton s'étendent les magasins à munitions et la salle des machines. Photos prises en 2002 alors que la batterie était encore opérationnelle.
Ces canons ont été fabriqués par Vickers en 1912 pour armer les cuirassés espagnols de la classe España. Endommagé durant la guerre civile, le cuirassé Jaime 1 avait été désarmé et en 1944 ses canons destinés à être installés en montage terrestre et côtier. Commencée vers 1945, la batterie de Guadiaro – à 12 km au nord-est de Gibraltar – reçut ses trois canons de 305 en 1948 et effectua ses premiers tirs d'essai en mars 1949. Au total 87 coups ont été tirés. Leur mission était de protéger la côte méditerranéenne et la zone orientale du détroit. Ils pouvaient croiser leurs tirs avec certaines batteries de Ceuta sur la côte marocaine.
A l'intérieur de l'une des tourelles, deux vues de l'arrière du canon, culasse à vis ouverte.
Quelques caractéristiques :
fabrication Vickers-Armstrong (G.B.) 1912
calibre 305 mm L/50
poids du canon 240 000 kg
poids du tube seul 65 393 kg
longueur du tube 16,65 mètres
contrepoids en plomb de 26 tonnes
poids des cartouches de 99 à 132 kg
poids de l'obus 385 kg
deux freins hydrauliques et un récupérateur pneumatique
portée 41 150 mètres
secteur horizontal 360°
secteur vertical entre -5 et +55°
équipage de chaque pièce : un officier, un sous-officier, 20 artilleurs.
Á quelque distance au sud-est de la batterie Guadiaro a été installée la batterie 33 Punta Mala (désignée après guerre D-16) avec ses deux pièces doubles de 152 mm Vickers, soit 4 canons. En 2002 elles étaient toujours aux mains de l'Artillerie côtière espagnole et parfaitement opérationnelles. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Côté culasses, vue sur le superbe état des pièces jumelées de la batterie 33/D-16 en 2002. Les canons sont des 152,4 mm L/50 Vickers de 1923 modernisés en 1951.
Poids de chaque tube 8636 kg
Longueur du tube 7,86 mètres
Portée 21 600 mètres
V° 915 m/s
Poids de l'obus 45 kg
Cadence de tir 4 cps/min.
Une toiture mince camouflée protège la pièce et des intempéries et des ardeurs du soleil andalou.
Á un étage inférieur sont disposés les magasins à munitions, reliés aux canons par de petits monte-charges.
Le poste de commandement et de direction du tir, camouflé en villa andalouse.
Á l'intérieur du poste d'observation un gradé de l'Artillerie côtière observe le large à l'aide d'un télémètre à dépression.
Près de la pointe de Tarifa, extrême sud de l'Espagne, la batterie 39 El Vigia et sa tourelle double à deux canons Vickers de 305 mm n'est plus opérationnelle depuis bon nombre d'années.
Le poste d'observation et de direction du tir de la batterie, plus ou moins désaffecté, a été surmonté d'un centre de transmissions moderne. C'est l'endroit de l'Europe le plus proche de l'Afrique.
Casemates côtières aux alentours de Tarifa.
Mise à jour juin 2013
D'une rapide reconnaissance effectuée en mai 2013 sur les sites espagnols il apparaît que, côté est, les batteries de Guadiaro (3 x 305) et de Punta Mala (2 x 2 x 152) n'existent plus. Par contre, côté ouest, la grande batterie de Paloma Alta a conservé ses trois 381 Vickers. A l'est de Tarifa demeurent aussi les deux tourelles doubles de 305 Vickers des batteries El Vigia et Cascabel, ainsi que quelques pièces doubles de 152 et leurs PDT. Toutes ces batteries sont cependant toujours en zone militaire en activité et leur accès est soumis à autorisation.
L'une des trois pièces de 381 Vickers de la batterie Paloma Alta et son PDT à l'heure actuelle.
FIN.
Remerciements
à Imperial War Museums à Londres pour la mise à disposition des photos historiques de Gibraltar 1941-1944,
à l'Artillerie côtière espagnole pour son excellent accueil sur les sites.