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14/10/24



Que reste-t-il de la Ligne Mareth ?

La Ligne Mareth aujourd'hui en 54 photos

Historique

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  • Les cartes et les photos s'affichent en taille réelle au clic de souris.
  • Les dièzes [ # ] vous informent davantage au survol de la souris.

De 1881 à 1956 la Tunisie est un protectorat de la France qui en assure l'administration et la défense. Le pilier de la présence française dans cette partie de l'Afrique du Nord est la base navale de Bizerte, essentielle de par sa position centrale au cœur de la Méditerranée. Dans les années 1930 l'ennemi potentiel d'alors est l'Italie, placée sous la coupe du dictateur Mussolini. Les Italiens occupent en effet depuis 1911 la Cyrénaïque et la Tripolitaine – l'actuelle Libye – et ne cachent pas leurs prétentions pour étendre leurs possessions vers la Tunisie voisine. Les parages de la base de Bizerte sont fortifiés dès 1914 et en 1940 une quinzaine de batteries côtières auxquelles s'ajoutaient de nombreuses positions bétonnées terrestres en assuraient la défense. Au sud, afin de dissuader et de contrer toute aventure militaire depuis la Tripolitaine, la France décide en 1931 de renforcer la région de Gabès par une ligne fortifiée entre la mer et le massif montagneux des Matmatas, la ligne Mareth (ou ligne de Mareth). S'y ajouteront divers postes fortifiés de part et d'autre du massif.

Ce n'est qu'à partir de 1935 que les travaux sont lancés, d'abord autour de Gabès puis de part et d'autre de la bourgade de Mareth entre la mer et la montagne sur une trentaine de kilomètres. Dans sa partie nord cette ligne s'appuie sur le cours de l'oued Zigzaou dont la rive nord, quelque peu escarpée, peut servir d'obstacle antichar. Dans sa partie sud la ligne s'appuie sur diverses hauteurs avant d'atteindre le massif des Matmatas. Les travaux consisteront à établir deux lignes de points d'appui distants de 1000 à 2000 mètres en moyenne, la première ou ligne principale le long de l'ouest Zigzaou, la seconde ou ligne d'arrêt à 1500 mètres en arrière.

Au début de la guerre les travaux sont loin d'être achevés et des travaux de renforcement se poursuivront jusqu'en juin 1940. Etablie d'abord sur une étendue de 25 kilomètres, la position sera prolongée d'une autre vingtaine de kilomètres jusqu'au cœur du massif des Matmatas. La réalisation la plus significative de ces travaux est l'ouvrage d'infanterie de Ksar el Hallouf avec ses 7 blocs. En 1940 la position de Mareth est tenue par deux régiments d'infanterie : un régiment de tirailleurs sénégalais (le 5e RTS) et un régiment de tirailleurs tunisiens (le 32e RTT). Différentes autres unités occupent les postes fortifiés de la périphérie du massif : Ben Gardane près de la côte et de la frontière, Foum Tataouine au sud du massif, Bir Soltane à l'ouest. L'artillerie est également bien représentée avec les 288e RA, 380e RAA, 388e RAPT et de nombreux canons de 75, 90, 105, 120, 155 et 220.

Le 10 juin 1940 l'Italie déclare la guerre à la France. Une offensive est attendue dans le Sud tunisien mais rien ne se passe et le front de la ligne Mareth reste calme. Le 25 juin l'armistice entre en vigueur également en Tunisie. Les unités françaises sont dissoutes entre juillet et décembre 1940 après avoir retiré armements et obstacles antipersonnels (barbelés) et antichars (rails) des positions, ne laissant aux Italiens que le béton.

Au début de 1943, talonnées par les forces britanniques du général Montgomery depuis la Libye, les troupes italo-allemandes de Rommel en retraite depuis la Libye s'installent sur la ligne Mareth qu'elles remettent en état de défense. A l'exception de quelques bétonnages complémentaires, ce seront surtout des fossés antichars, des champs de mines et des réseaux de barbelés qui seront mis en place, en particulier en avant de l'oued Zigzaou. En mars 1943, plutôt que de l'attaquer de front, Montgomery effectuera un vaste mouvement de contournement des positions par le sud et l'ouest du massif des Matmatas #1Opérations auxquelles prendra part la colonne Leclerc, partie du Tchad et qui libérera Strasbourg en 1945., provoquant leur abandon par les forces italo-allemandes.

Ouvrages et armements

En quoi consistait la ligne Mareth ? Deux lignes de points d'appui, on l'a vu, constituaient la position de Mareth. Un point d'appui est un groupement d'organisations fortifiées : postes de tir en béton ou en terre, abris bétonnés ou de campagne, boyaux de communication, entourés de barbelés et, à l'avant, de champs de rails antichars. La ligne principale est constituée de 28 points d'appui, la ligne d'arrêt de 21 PA. Celle-ci n'a d'ailleurs pratiquement reçu aucun ouvrage bétonné. Sur la ligne principale on trouve essentiellement

  • des casemates de mitrailleuses, simples ou doubles, pour 2 ou 4 armes,
  • des casemates d'artillerie pour un 47 ou un 75 de marine à usage antichar,
  • des abris-PC simples ou parfois dotés d'une chambre de tir pour 2 mitrailleuses,
  • des plates-formes pour canon de 25 AC ou 47 de marine,
  • des plates-formes pour pièce de DCA,
  • des postes de tir bétonnés ou non pour arme automatique, FM ou mitrailleuse.

Dans les arrières de la position on trouve aussi quelques grands abris-PC, certains semi-souterrains. L'ouvrage le plus intéressant de la position est l'ouvrage d'infanterie de Ksar el Hallouf qui contrôlait la passe du même nom. Il possède 7 blocs dont une entrée défilée et 6 blocs de mitrailleuses et FM dont un avec chambre de tir pour un canon de 47 ou de 75, tous reliés par galeries sous roc. La position de Mareth s'apparente donc plutôt aux constructions STG et MOM #2STG : instaurées par la Section technique du Génie, synonyme de fortification relativement solide mais économique. MOM : de main d'œuvre militaire, synonyme de fortification légère, souvent de faible valeur défensive. du Nord-Est de la France et MOM des Alpes et pas du tout à la fortification CORF #3CORF : Commission d'organisation des régions fortifiées, organe qui a construit la Ligne Maginot de 1927 à 1935, synonyme de fortification puissante et solide..

Le musée

Près de la sortie sud du bourg de Mareth a été érigé, sous l'égide du ministère de la Défense, le Musée militaire de la Ligne Mareth. De niveau professionnel, ce musée, s'il fait la part belle aux évènements de 1943, a permis la mise en valeur du point d'appui P8 Route de Médenine et de ses six ouvrages : un abri-PC, une casemate double pour 4 mitrailleuses, deux casemates pour 47, deux soutes à munitions. Avec un peu d'armement léger, le musée expose deux canons, un 40 mm Bofors et un 15 cm sFh 18, et surtout une tourelle démontable modèle 1935-37 dont plusieurs exemplaires existaient sur la position. Le musée est ouvert tous les jours sauf le lundi.

Références biblio

  • Lt-colonel Pierre ROCOLLE – Le béton a-t-il trahi – Historique de la Ligne Maginot et de la Ligne Mareth. Ed. Mirambeau, 1950.
  • Général Pierre DAILLIER – Terre d'affrontements – Le Sud-Tunisien – La Ligne Mareth et son étrange destin. Ed. Nouvelles Editions Latines, 1985.
  • Jean-Yves MARY, Alain HOHNADEL, Jacques SICARD – Hommes et ouvrages de la Ligne Maginot, T.5. Ed. Histoire et Collections, 2009.
  • Jean-Jacques MOULINS, Michel TRUTTMANN - Ligne Maginot du désert - La Ligne Mareth. Ed. Klopp, 2018.

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La Ligne Mareth aujourd'hui en 54 photos

 * Toutes les cartes et photos s'agrandissent en cliquant dessus.

Carte du Sud tunisien et localisation en rouge de la Ligne Mareth entre mer et massif des Matmatas, ainsi que des différents sites fortifiés. La ligne en tirets entre Ksar Hallouf et Bir Soltane représente un projet de prolongement non réalisé de la Ligne Mareth.

 




Près de la côte, appartenant aux PA de Ksiba, apparaissent les premiers ouvrages de la ligne Mareth à son extrémité nord. Ce sont surtout des casemates de mitrailleuses, des plates-formes pour 47 avec mur frontal de protection et abris-PC.

 

Près de Zarat, bien intégré dans le terrain, un abri-PC actif avec ses deux créneaux mitrailleuses en flanquement du lit de l'oued Zigzaou. Il s'agit vraisemblablement du PA P4 Sud-Est Zarat.

 

Le lit asséché de l'oued Zigzaou et l'escarpement "antichar" de sa rive nord. On aperçoit deux des ouvrages du point d'appui P10 Henchir el Amich, un épaulement avec mur de protection pour un 47 AC et, à gauche, une casemate d'artillerie.

 

Au bord du lit de l'oued Zigzaou, une petite casemate de flanquement pour une mitrailleuse a vu son épais radier déchaussé par l'érosion.

 

Deux des ouvrages du PA P10 : au 1er plan une casemate de 75 en partie ensablée, au fond une plate-forme pour 47 avec son mur de protection renforcé.

 

Plate-forme pour canon de 47 AC et son mur frontal. Remarquer les "délardements" de part et d'autre de celui-ci afin d'élargir les angles de tir du canon.

 




Parfaitement défilé à contre-pente à l'arrière des points d'appui P10 et P11, le PC de la Cote 147 ou " PC Rommel ". Il est réalisé en partie en souterrain (PC caverne) et possède toujours ses portes et une partie de ses volets. Il est constitué de deux grandes chambres et une cuisine en surface, plus quatre chambres en souterrain.

 

A l'avant du PC, un probable organe de défense, abri de campagne d'infanterie ou emplacement de mortier ?

 

Un aspect du terrain de la Ligne Mareth aux alentours du PC Cote 147. 4x4, chauffeur et guide compétents conseillés !

 

Une casemate pour canon de 47 antichar.

 

Plate-forme circulaire pour canon de 47 de marine, déchaussée de son talus de rocaille par l'érosion.

 

Une plate-forme du même type, presque totalement ensablée, domine la plaine et un hameau depuis l'une des premières hauteurs vers le sud.

 

Une plate-forme circulaire pour 47 M, bien ensablée, et son abri.

 

Dans la plupart des casemates on trouve de telles tables de tir d'origine française pour une mitrailleuse. N = niveau (site positif ou négatif), L = limbe càd. la direction de l'objectif, H = hausse càd. la distance de l'objectif en mètres. MP et MS concernent des objectifs précis pour des tirs repérés. MP = mission principale, MS = mission secondaire. Ces abréviations sont essentiellement destinées à des tirs sans visibilité, nuit, brouillard, vent de sable... (remerciements à Rémi Fontbonne pour ces précisions).

 

La casemate d'artillerie pour pièce de 75 du PA P11 Henchir Drombi. Elle possédait son mur en aile et son talus.

 

Appartenant à l'un des PA du centre de la position, un abri-PC pourvu d'une chambre de tir pour deux mitrailleuses.

 

Vue partielle du PA P16 Touati avec l'une de ses deux casemates de 75 et une petite casemate pour deux mitrailleuses.

 

Certains blocs ont conservé sur leurs ouvertures quelques volets légèrement blindés.

 


L'une des deux casemates de 75 du PA P16 Touati. Son créneau a conservé un semblant de volet blindé léger et articulé...

 

La petite casemate de mitrailleuses voisine de la casemate d'artillerie n° 1 du PA 16.

 

La 2e casemate de 75 du PA 16 Touati.

 

Le PA 16 Touati est coiffé par un abri-PC actif assez bien conservé et bien intégré dans le terrain. On peut remarquer sur la droite ses deux créneaux pour mitrailleuses.

 


Perdu dans la rocaille, le PC-caverne de l'oued Toujane, dans le sous-secteur Ouest, est du même type que celui de la cote 147.

 


Au plafond de l'une des chambres du PC de l'oued Toujane demeurent deux fresques d'origine italienne dont une mixture de croix gammée et de faisceau fasciste mussolinien.

 



A l'approche du massif des Matmatas le terrain est de plus en plus escarpé et offre des vues lointaines et donc d'excellents postes d'observation. Ici, perchée sur un sommet, l'une des deux (?) casemates de mitrailleuses de l'un des PA P17 ou 19 Kradra-Est ou –Ouest.

Apparemment aucun équipement blindé n'est venu habiller les créneaux mitrailleuses de la casemate de Kradra.

 

Sur la crête des Kradra, entre autres, subsistent de belles longueurs de tranchées taillées dans le rocher, à la fois de communication protégée et défensives.

 

Vestiges d'un fossé antichar coupant un thalweg.

 

Le paysage à l'arrière du PA P17 Kradra-Est. On voit bien la piste d'accès à la position ainsi que, au 1er plan, un parapet de défense en pierres sèches. A l'horizon le massif des Matmatas.

 

L'ouvrage le plus intéressant de l'ensemble des fortifications du Sud tunisien est sans conteste l'ouvrage d'infanterie de Ksar el Hallouf. On en voit ici la partie Est avec trois des sept blocs de l'ensemble. Sous la crête s'étendent les galeries de communication reliant les blocs.

 

Ouvrage de Ksar el Hallouf : le partie ouest avec un gros bloc à deux étages pour mitrailleuses, FM et canon antichar. Sur la gauche on peut apercevoir un petit bloc de flanquement.

 

Ouvrage de Ksar el Hallouf : le bloc principal avec ses créneaux mitrailleuses et FM à l'étage supérieur, canon antichar de 25 ou 47 au niveau inférieur. Deux autres créneaux mitrailleuses, invisibles ici, s'ouvrent sur le côté gauche.

 

Ouvrage de Ksar el Hallouf : par l'un des créneaux mitrailleuse vue sur le bourg de Ksar el Hallouf et la passe du même nom.

 

Un aspect de la passe de Ksar el Hallouf, au cœur du massif des Matmatas.

 

Extérieur du musée militaire de la Ligne Mareth.

 

Vue partielle du point d'appui P8 Route de Médenine, voisin du musée, avec une soute à munitions au 1er plan, puis une casemate de mitrailleuses et un bloc pour 47 M.

 

PA P8 : casemate double de mitrailleuses. Sur la gauche on aperçoit le lit asséché et peu encaissé de l'oued Zigzaou, ici un bien faible obstacle.

 

L'abri-PC du point d'appui P8.

 

Point d'appui P8 : à proximité de la casemate de mitrailleuses, deux emplacements d'origine pour canon de 47 M ont probablement été coiffés d'une toiture en béton par les troupes italo-allemandes en 1943.

 



Les principaux matériels présentés par le musée : une tourelle démontable modèle 35/37 n° 409 de fabrication Alsthom, pour mitrailleuse Hotchkiss Mle 14 de 8 mm, un canon antiaérien (et antichar à l'occasion) de 40 mm Bofors, et un obusier allemand de 15 cm sFh 18.

 

Aventure saharienne ? Pas tout à fait mais néanmoins c'est ainsi et dans un tel cadre que s'effectue toute reconnaissance des fortifications de la Ligne Mareth. On est ici dans le secteur des PA des Kradra.

N.B. En l'absence de cartes précises et fiables, compte tenu aussi de la difficulté de localiser et d'identifier de manière sûre et certaine les sites fortifiés dans un terrain semi-désertique voire même parfois totalement désertique, où les noms et les pistes ont pu changer en 70 ans, des imprécisions, voire des erreurs, peuvent exister. Le cas échéant l'auteur s'en excuse humblement.