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Les casemates d'artillerie du Sundgau
(ex-Secteur défensif puis fortifié d'Altkirch, sud de l'Alsace)

 

 

Leur désignation officielle était casemate de flanquement réduite pour deux canons de 75 de campagne modèle 1897-1933. Avec un volume de plus de 2000 m³ de béton armé ce sont les plus gros ouvrages Maginot construits dans le Secteur fortifié d'Altkirch. Leur armement était le célèbre canon de 75 qui avait fait ses preuves en 1914-18, avait une portée maximale de 11 000 mètres et avait été modifié en 1933 avec un affût biflèche à grand champ de tir horizontal. En casemate, les roues du canon sont enlevées et l'essieu posé sur des chaises métalliques.

Construites à partir de 1937, ces casemates sont au nombre de sept dans le Sundgau, trois dans le môle de Sierentz-Uffheim, quatre dans celui de Muespach-Bettlach-Oltingue-Raedersdorf. Elles sont restées intactes à l'exception de celle de Raedersdorf, détruite en juin 1940 par les artilleurs de la 6e batterie du 159e RAP.

Casemate-STG-artillerie-plan-type

Casemate réduite STG pour deux pièces de 75 modèle 1897/1933 de campagne

  1. entrée de l’équipage
  2. entrée des canons
  3. chambres de tir des canons
  4. munitions (environ 1000 coups de 75)
  5. local technique (puits à eau, réservoirs, prévu aussi pour groupe électrogène et filtres à air)
  6. local pour l’équipage
  7. chambre du chef de casemate
  8. fusées
  9. matériel Z (lutte contre les gaz)
  10. espace de repos
  11. créneaux de défense rapprochée pour FM
  12. gaines ménagées dans le béton (lunette, goulotte lance-grenades, évacuation des douilles)
  13. gaine d’évacuation des douilles de 75.
  1. fermetures (rails empilés, sacs de sable, portes métalliques)
  1. latrines
  1. visières.

 

Casemate-STG-artillerie-variante1

Variante du plan-type avec adjonction d’une cloche GFM type B (modèle 1934),
(variante non réalisée en Haute-Alsace).

Cette variante du plan-type avec cloche GFM (guet et fusil-mitrailleur) avait été proposée par la STG mais n’avait pas été adoptée dans le SF Altkirch, probablement pour des raisons d’économie.

 

Les 7 casemates d'artillerie du SF Altkirch

 

Les sept casemates d'artillerie du Sundgau et leur état actuel, du nord au sud :

  • 80-Uffheim-Nord-Ouest (Uffheim) : flanquement à droite et vers le sud de la LPR #LPR, ligne principale de résistance.. Aujourd'hui remblayée et invisible. Nom de code à l'époque 1939/40 : Gudule (sous réserve).

  • 80b-Uffheim-Nord-Est (Uffheim) : flanquement à droite et de la position dite de la falaise (Sierentz-Bartenheim-Blotzheim-Hésingue). Visible et privée. Nom de code à l'époque 1939/40 : Gratienne (sous réserve).

  • 81-L'Hôpital (Sierentz) : flanquement à droite et de la position dite de la falaise. Possède un observatoire bétonné côté est. En triste état intérieur. Aujourd'hui remblayée. Nom de code à l'époque 1939/40 : Germaine.

  • 104-Breitenhag (Muespach-le-Haut) : flanquement à gauche, vers le nord et la LPR. Intacte et privée. Nom de code à l'époque 1939/40 : Georgette.

  • 110-Bettlach : flanquement à gauche, vers le glacis et la frontière franco-suisse. Intacte et visitable (circuit des 3 casemates de Bettlach). Nom de code à l'époque 1939/40 : Gisèle.

  • 113-Oltingue : flanquement à gauche, vers le glacis et la frontière franco-suisse. Intacte. Travaux de réfection débutés en 2015. Nom de code à l'époque 1939/40 : Geneviève.

  • 115-Raedersdorf : flanquement à gauche, vers le glacis et la frontière franco-suisse. Détruite en 1940 et aujourd'hui remblayée. Nom de code à l'époque 1939/40 : Gertrude.

 

16---Sierentz-cte.-artill.-retouchee

La casemate d'artillerie de Sierentz, dite de l'Hôpital, en 1940. Les embrasures sont restées béantes, sans aucun blindage, et les canons ont été emportés par les troupes française en repli vers les Vosges. L'ouvrage est aujourd'hui remblayé (coll. Henri Berger).

17---SFA---Uffheim-NE-cte-artill.-recadree-M.Truttm

La casemate d'artillerie Uffheim-Nord-Est en 1940. Bien que noyée aujourd'hui dans la végétation et au cœur d'un quartier d'habitations elle reste entière et visible. Les trois casemates de Sierentz-Uffheim avaient pour mission le flanquement vers le sud de la ligne principale de résistance et du glacis entre celle-ci et le Rhin.

18---Bettlach---cte-d-artillerie

La casemate d'artillerie de Bettlach demeure intacte et visitable en permanence.

Oltingue-annees-1940-1   Oltingue-annees-1940-2   Oltingue-annees-1940-3

La casemate d’artillerie d’Oltingue dans les années 1940, probablement durant l’Occupation allemande
(photos d’origine inconnue).

19---Oltingue-26.12.2015-rec.-ret.---DSC02143

Vue ici de nos jours, la casemate d'artillerie d'Oltingue s'adosse au flanc nord de l'éperon jurassien qui domine le village. Elle est également intacte et ouverte au visiteur. Avec celle du Breitenhag à Muespach, les casemates de Bettlach et Oltingue avaient pour mission de battre le glacis entre la ligne principale de résistance et la frontière suisse.

20---Canon-de-75-97-33

C'est ce canon de campagne de 75 modèle 1897/1933 qui armait les casemates d'artillerie STG, roues enlevées et essieu posé sur des supports métalliques.

21---Simserhof---canon-de-75-97-33-122---Simserhof---canon-de-75-97-33-223---Simserhof---75-Mle-97-33-et-97-de-casemate-2015

L'un de ces canons, récupéré après guerre à Oltingue, a été préservé au musée du Simserhof, près de Bitche (Moselle). On le voit ici tel qu'il est resté exposé pendant de longues années et tel qu'il est présenté aujourd'hui, voisinant avec un 75-97 de forteresse.

Description et organisation intérieure

 

Un exemple : la casemate d'artillerie d'Oltingue

Bien que la disposition intérieure de cet ouvrage soit rigoureusement identique à celles des six autres casemates du même type de l'ex-Secteur fortifié d'Altkirch, ses quelques particularités qui la distinguent des autres ont fait opter pour sa description ici #La casemate d'Oltingue est en outre adjointe en contrebas d'un point d'appui devant assurer, outre la défense de l'ouvrage d'artillerie, la continuité des feux d'infanterie dans l'intervalle Bettlach-Oltingue. Il est constitué d'un blockhaus pour une mitrailleuse et de deux coupoles type 7e Région, l'une pour canon de 47, l'autre pour mitrailleuse..

 

Casemate-STG-artillerie-Oltingue

Plan de la casemate d’artillerie 113 d’Oltingue

  1. entrée de l’équipage
  2. entrée des canons
  3. chambres de tir des canons
  4. munitions (environ 1000 coups de 75)
  5. local technique (réservoirs, prévu aussi pour groupe électrogène et filtres à air)
  6. local pour l’équipage
  7. chambre du chef de casemate
  8. fusées
  9. matériel Z (lutte contre les gaz)
  10. espace de repos
  11. deux créneaux de défense rapprochée pour FM
  12. gaines ménagées dans le béton (goulottes lance-grenades, évacuation des douilles, fumées du moteur dans la chambre 5)
  13. gaine d’évacuation des douilles de 75
  14. fosse de 2,50 x 2,30 mètres, profondeur 1,80 m (réservée pour étage inférieur, galerie de communication vers d’autres organes, etc. à réaliser ultérieurement)
  15. Regard sur le réseau de drainage de la casemate.
  1. fermetures (de l’ext. vers l’int., rails empilés, sacs de sable, portes métalliques)
  2. gaine de ventilation
  3. hall d’entrée protégé (9,55 x 4 mètres, hauteur sous plafond 2,90 m)
  1. latrines
  1. puits (prof. 3,35 m) et galerie vers puits à eau
  1. visières.
  1. fosses à douilles de 75.

Oltingue-JBW 

Les entrées

La casemate dispose de trois entrées, deux pour les canons, une pour le personnel. Ces trois entrées s'ouvrent dans un hall protégé de 9,55 x 4 mètres, première particularité ici, destinée à protéger les entrées d'un effondrement de la pente contre laquelle s'adosse l'ouvrage. La hauteur sous plafond de ce hall est de 2,90 mètres, son piédroit externe et sa dalle de toiture ont 2 mètres comme pour le reste de l'ouvrage (protection 2-3).

Les entrées canons, une fois les pièces en place, sont fermées successivement par des rails empilés dans des gorges ménagées dans le béton, puis par un mur de sacs de sable, enfin par des portes métalliques à deux battants.

Les chambres de tir

Au nombre de deux, elles sont de dimensions inégales, les embrasures étant construites "en échelons refusés" c'est-à-dire la 2e décalée et en retrait par rapport à la 1ère. Cette disposition les rend moins vulnérables aux tirs adverses en écharpe par rapport à une façade plane. La première chambre de tir mesure 5,25 x 4 mètres et possède comme seuls équipements fixes : un monorail sous le plafond pour le déplacement du canon à l'aide d'un palan, les chaises métalliques devant supporter l'essieu du canon, roues enlevées, et les butées de calage des flèches du canon. Le piédroit (mur) extérieur de la chambre est percé de plusieurs ouvertures : un créneau de défense rapprochée pour FM, deux goulottes pour l'évacuation à l'extérieur des douilles dans une fosse carrée, une goulotte lance-grenade.

La 2e chambre de tir s'étend sur 10,25 x 3 puis 4 mètres. Elle possède les mêmes équipements fixes que la chambre de tir n° 1 avec en plus huit couchettes rabattables fixées contre les murs pour l'équipage. Elle communique avec la chambre de tir n° 1 et, par deux portes, avec les locaux annexes intérieurs.

Les embrasures devaient être équipées de trémies blindées mais qui n'étaient pas livrées en 1940 et sont donc restées béantes. Seuls des volets légers de camouflage les fermaient.

Les locaux annexes

La partie sud de l'ouvrage abrite trois chambres : une chambre d'équipage, un local à munitions, un local technique. La chambre d'équipage est à son tour subdivisée par des cloisons minces en trois locaux plus petits : le local du chef de casemate et de son adjoint, celui du stockage des fusées et celui du matériel Z (lutte contre les gaz). Des couchettes rabattables sont fixées contre l'un des murs pour l'équipage.

Le local à munitions (4,50 x 2,50 mètres) possède normalement des casiers où sont stockés 1008 coups de 75. Il communique avec la chambre de tir n° 2. Dans son radier en béton (plancher) s'ouvre une fosse de 2,50 x 2,30 mètres, profonde de 1,80 m mètre, normalement couverte par des plaques en béton et destinée à la réalisation ultérieure soit d'un étage inférieur, soit d'un puits ou de galeries de communication vers d'autres organes.

La 3e chambre est un local technique prévu pour un groupe électrogène, deux filtres à air, deux réservoirs d'eau potable et de refroidissement des canons et un puits à eau. Rien de tout cela, inachevé en 1940, n'a été réalisé ici à l'exception des réservoirs et du puits, foré à quelques mètres à l'extérieur. Cette chambre possède aussi un créneau de défense rapprochée pour FM et deux goulottes ainsi qu'une gaine pour l'évacuation des fumées du groupe électrogène.

La STG avait aussi proposé une variante de ce type de casemate avec cloche GFM (guet et fusil-mitrailleur) et accès à partir de cette 3e chambre mais, probablement pour des raisons d'économie, ce modèle n'a pas été adopté dans le SF Altkirch #En 1936 le coût d'une casemate de ce type était de 2 370 000 frs sans cloche (1 611 600 euros) et 2 620 000 frs avec cloche (1 781 600 euros). Toutefois le pouvoir d'achat aujourd'hui de 2 370 000 frs de 1936 serait de quelques... 170 202 000 euros !.

Le puits

Dans le plancher de la 3e chambre s'ouvre un puits carré profond de 3,35 mètres muni d'une échelle. Il est prolongé à sa base par une gaine technique bétonnée visitable, long d'une dizaine de mètres jusqu'au puits lui-même, une simple petite gaine métallique verticale plongeant dans le sol, voisinant avec une autre petite gaine verticale destinée à recueillir les eaux de ruissellement. Cet ensemble est une autre particularité de la casemate d'Oltingue qui ne se retrouve nulle part ailleurs.

Equipements divers

Pour l'éclairage, à défaut du groupe électrogène non installé, pas d'électricité mais des lampes à bougie ou à pétrole. Pas de ventilation forcée non plus mais une ventilation naturelle par le haut des entrées et les embrasures. Les communications étaient assurées par un central téléphonique TM32 à 28 directions relié au réseau téléphonique enterré du SF Altkirch. Enfin, l'équipage disposait de latrines, établies près de l'entrée du personnel.

Le béton

La protection, càd. les épaisseurs de béton, a été un compromis entre les protections 2 et 3. Le mur le plus exposé, côté ennemi supposé, devait avoir 2,75 mètres mais semble avoir été réduit à deux mètres #Une partie de la toiture étant actuellement recouverte de terre du fait de l'adossement de la casemate à la pente proche, il n'a pas encore été possible de mesurer exactement la protection du mur dit exposé.. L'épaisseur des murs non exposés devait être de 1,25 mètre mais a été limitée à 1,10-1,15 mètre.

L'équipage

L'effectif théorique de l'équipage d'une telle casemate d'artillerie était d'un officier, un sous-officier et 20 artilleurs. Dans le SF Altkirch en 1939-1940 ces hommes appartenaient au 159e RAP #Régiment d'artillerie de position. de Belfort.

 

Que sont devenus les canons de 75 des casemates d'artillerie
du Secteur fortifié d'Altkirch en 1940 ?


Selon certains témoignages, les canons de 75 du groupe Uffheim-Sierentz auraient été sortis des casemates en juin 1940 pour tirer sur le Rhin avant d'être tractés par attelages hippomobiles vers les Vosges, certaines vers Belfort, lors du repli général des troupes du Sundgau. Des pièces de 75 combattront encore contre les Allemands à l'entrée des vallées vosgiennes. Par contre, dans le secteur sud il ne semble pas que les canons de 75 ait été extraits des casemates. On y a retrouvé après guerre au moins trois pièces : deux à Oltingue, l'autre à Raedersdorf. L'une des premières a pu être récupérée et transférée #Par les soins du capitaine (puis Lt-colonel) du génie Philippe Truttmann (1934-2007), sommité de la fortification et de la Ligne Maginot en particulier. au fort du Simserhof, près de Bitche, premier conservatoire en date de la fortification Maginot, où elle a été restaurée et demeure visible. La seconde est restée écrasée sous les ruines de l'ouvrage. Une autre pièce de récupération demeurerait exposée dans un musée à Annecy.

Saisis par les Allemands après l'armistice de juin 1940, ces canons se diluent alors dans l'énorme butin récupéré non seulement en France mais dans tous les pays occupés par la Wehrmacht. Un état de ce butin concernant le matériel français mentionne quand même 8 pièces de 75 Mle 97/33 qui prirent la désignation allemande de 7,5 cm K232(f), mais 8 pièces seulement sur un total de 713 canons de 75 tous modèles confondus...

Fin

 

 

Remerciements à Christophe Agry, Henri Berger, Jean-Marc Birsinger (AALMA), Félix Dimitric, Jacques Koenig (directeur du Simserhof), Frédéric Lisch, Patrick Ruetsch et Michel Truttmann pour leur aimable contribution.